Plus le temps passe, plus la menace se précise. Lait, blé, pomme de terre: ces produits vitaux sont sous haute tension. Une tension alimentée par la hausse des prix et qui risque de s'amplifier davantage. Les trois filières font face, ces derniers jours, à de nouveaux problèmes encore plus inquiétants menaçant la production locale. C'est le cas pour les céréales. Le secrétaire général du ministère de l'Agriculture vient d'exposer un problème alarmant. La production des céréales a atteint, cette année, 43 millions de quintaux. L'Office algérien interprofessionnel des céréales (Oaic) n'a reçu que 7 millions de quintaux. Une bonne partie de la production a été récupérée par le marché informel, selon le représentant du ministère. Une façon pour le ministère de l'Agriculture de justifier les raisons de la hausse des prix concernant la semoule et la farine. Le ministre du Commerce, quant à lui, avait accusé les minotiers privés et publics d'être derrière la cherté du blé. Selon lui, ces derniers revendent le blé au prix de 4500DA le quintal alors qu'ils l'achètent à l'Oaic à 2000DA le quintal. Que fait le gouvernement face à cette situation? Pourtant, le redéploiement de l'Oaic consiste à considérer ce dernier comme étant capable de prendre en charge les activités stratégiques d'appui à la production et de régulation du marché des céréales. Ses missions ont pour objet d'organiser, approvisionner, réguler et stabiliser le marché national des céréales et dérivés et d'apporter le soutien et l'appui à la production nationale. La pomme de terre, aliment de substitution aux céréales, est elle aussi en pleine crise. La récolte risque d'être aussi maigre que celle de la précédente campagne. L'apparition de la maladie du mildiou dans certaines régions du pays comme Skikda, Annaba et Chlef, ainsi que les inondations ont causé des pertes importantes au niveau des cultures. Mais, en réalité, ces deux facteurs ne constituent qu'un révélateur d'une crise déjà bien présente. Car la crise de la pomme de terre n'est pas liée au seul mildiou ou inondation, mais elle relève d'une accumulation d'erreurs et de choix erronés, auxquels s'ajoute l'absence totale d'une politique destinée à encourager la production. Quant à la production laitière, celle-ci risque d'être totalement paralysée dans les jours à venir. Les producteurs se plaignent de la cherté de la poudre de lait et du retard de la subvention de l'Etat dans ce sens. Déjà, cinq producteurs privés ont arrêté la production à l'Ouest du pays. Cette crise qui touche ces trois produits alimentaires est, en fait, révélatrice d'une dépendance très dangereuse. En une année, la facture de ces produits a été multipliée par deux. La facture d'importation de lait en poudre a atteint 600 millions de dollars par an. L'Algérie consacre 70 millions de dollars annuellement pour l'importation de la semence de la pomme de terre. Quant aux céréales, les importations atteignent environ un milliard de dollars par an. Plus le temps passe, plus la menace se précise sur la sécurité alimentaire dans notre pays, sachant que ces produits sont les plus consommés. En effet, à cause d'un pouvoir d'achat de plus en plus faible, les plus pauvres consomment de plus en plus de lait et de pain, soit 120 litres/habitant/an. L'OMS a fixé cette consommation à 90 l/habitant/an. Les céréales, qui sont devenues le principal aliment des Algériens associées au lait, leur consommation est en train de croître. D'ailleurs, le repas du pauvre serait constitué de 500 g de pain et d'un demi-litre de lait par jour. Si l'Etat décidait, du jour au lendemain, de supprimer son soutien aux prix du lait et du pain, les résultats seraient catastrophiques. La malnutrition qui favorise la morbidité des couches les plus démunies qui en subissent les effets, risque de s'accentuer.