Ce rendez-vous lance de nouveau le débat sur la stratégie à suivre par les pays membres de l'Organisation. Le sommet de l'Opep s'est ouvert hier dans la capitale saoudienne. C'est le troisième à se tenir au niveau des souverains et chefs d'Etat, après celui d'Alger en 1975 et de Caracas en 2000. Ce rendez-vous lance de nouveau, après une longue éclipse, le débat sur la stratégie à suivre par les pays membres de l'Organisation et ce, pour une valorisation juste des hydrocarbures au service du développement et de la justice sociale. Pourquoi cette absence et pourquoi maintenant cette relance sur une matière hautement stratégique qui concerne le devenir non seulement des pays producteurs, mais également des pays consommateurs, pour de longues décennies encore. Il faut, en effet, remonter loin dans l'histoire de l'Opep pour retrouver la première et la dernière grande réunion à un niveau ministériel exclusivement réservée à ce thème important. C'était à Taïf en 1979, que s'était tenue cette rencontre, à l'initiative du ministre saoudien du Pétrole à cette époque, Zaki Yamani, qui a marqué de son empreinte l'Opep durant la décennie 80 et même après son départ. A cette époque, Zaki Yamani qui avait une grande autorité et influence auprès du Palais royal saoudien, voulait mener l'Opep et le marché pétrolier à sa guise en faisant peser tout le poids et le pouvoir du Royaume sur l'échiquier pétrolier. Il avait une façon particulière de défendre les intérêts de son pays en s'efforçant de mettre l'organisation de son côté. Il soutenait curieusement que pour maintenir l'équilibre du marché, il fallait d'une part maintenir les prix bas pour les rendre, selon lui, compétitifs et d'autre part assurer la place et le poids de l'Organisation dans le marché pétrolier et partout dans l'économie mondiale. Il avait une peur terrible qu'un jour, les pays consommateurs se détournent du pétrole saoudien au profit d'autres sources d'approvisionnement ou d'autres sources d'énergie. Cette position était dictée par certains stratèges hostiles à la majorité des pays membres pour une juste valorisation du pétrole, notamment au sein de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui avait été créée par les pays consommateurs spécialement pour contrer l'Opep suite au boycott arabe de 1973 et le premier choc pétrolier qui a suivi en 1974. Ainsi et pendant de nombreuses années, de 1979 à 1985, il inonda sans discontinuer le marché pétrolier en portant la production à des niveaux dépassant les 12 millions de barils par jour déjà, souvent sans relation avec les prix de marché. Comme autres arguments, les défenseurs d'un prix bas avancent l'investissement accéléré dans l'énergie nucléaire, le retour du charbon, le solaire et autres. De même, l'on assista à la naissance d'autres pôles de production, en dehors de la zone Opep notamment en Chine, au Mexique, en mer du Nord et dans certains pays africains. D'autres facteurs non moins importants avaient aidé au renversement de tendance des prix qui avaient dépassé déjà en 1979, le seuil inimaginable alors, de 42 dollars. L'Iran et l'Irak, qui tout en se réclamant officiellement contre la position saoudienne, bradèrent leur pétrole en dessous des prix du marché pour financer la guerre. Ce qui favorisa les spéculations de tout genre. Bref, ce qui devait arriver, arriva. En novembre 1985, la fébrile entente au sein de l'Opep se brisa, laissant le marché à lui-même. Les prix chutèrent en cascade de 28 dollars, le prix de référence, à moins 7 en quelques semaines. Cet événement a mis les économies des pays de l'Opep à nu. En Algérie, ce fut le début d'une longue crise politique et sociale avec l'apparition de phénomènes jusque-là inconnus, dont l'extrémisme religieux. Il aura fallu attendre plus de deux longues décennies pour voir renaître une Algérie prospère. Beaucoup de choses ont changé depuis au plan international. Le duel Opep-AIE n'est pas de mise. Il n'y a pas également d'animosité des pays consommateurs et des multinationales envers les pays producteurs. Seules quelques critiques sont adressées à l'Organisation pour influer sur la hausse des prix, notamment des USA. Il est vrai que les pays de l'Opep ont depuis ouvert la voie aux investissements étrangers en leur accordant de grandes faveurs et facilités en remettant en cause les nationalisations poussées des années 70. Par un retournement curieux de l'histoire, ce sont ces mêmes transnationales, qui ne voient plus d'un mauvais oeil les prix augmenter sensiblement et poussent parfois à leur accroissement, du fait qu'aujourd'hui elles ont des intérêts à défendre et des productions à valoriser. La conjoncture est désormais favorable pour mettre en place une véritable stratégie qui, tout en permettant de sauvegarder les hydrocarbures et de mieux les valoriser, évitera les chocs des cycles soit à la hausse, soit à la baisse très préjudiciables tant aux producteurs qu'aux consommateurs. C'est l'absence d'une stratégie qui risque d'être préjudiciable à tous. Le fameux Kissinger avait dans les année 70, défié l'Opep, riche en pétrole, mais faible d'imagination. Il faut montrer trente années après qu'elle n'est pas à court d'idées.