Les élus de la deuxième chambre parlementaire estiment qu'ils sont les souffre-douleur du système. Jeudi 8 novembre, le président de l'APN M.Abdelaziz Ziari prend la parole au cours d'une plénière consacrée aux questions orales au gouvernement pour apporter cette précision: «Je rappelle que les députés ont un mandat national. Les ministres ne sont pas censés répondre aux questions d'ordre local.» Amar Tou, ministre de la Santé partage cette opinion: «J'aurais souhaité qu'on m'évite de m'étaler sur les problèmes locaux. Intervenez, si vous permettez, sur les dossiers stratégiques pour l'avenir du pays.» Tou répond tout de même au député du MSP sur la situation désastreuse du secteur sanitaire dans la wilaya de Tiaret, donnant l'impression que c'était la dernière fois qu'il s'aventurait sur ce terrain. M.Ziari promet que les choses vont évoluer à l'avenir. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le député algérien est interdit d'intervenir sur les problèmes de la circonscription dans laquelle il a été élu, parce qu'il assume un mandat national et non local. «Ce mandat pénalise sérieusement notre travail au niveau local. Le député est quasi désarmé», souligne M.Ahmed Isaâd, député MSP. Les élus de la première chambre parlementaire n'ont aucun pouvoir au niveau local: «Pour rencontrer un wali, il faut demander une audience deux mois auparavant et pour certains, le résultat n'est pas du tout garanti. Certains super-walis ne daignent même pas donner suite à notre demande d'audience, sans que l'on puisse agir.» Pour toutes ces raisons, les députés revendiquent la création d'un statut qui élargisse leur champ d'intervention. «Cela donne la possibilité à l'élu d'exercer convenablement sa mission comme stipulé par la Constitution dans son article 100 qui souligne que l'élu doit être fidèle au mandat du peuple et demeurer à l'écoute en permanence de ses aspirations.» Parmi les propositions émises, l'on note particulièrement, la création d'une représentation pour le député au niveau des assemblées locales, l'ouverture de permanences dans les circonscriptions, «ce qui ne peut se faire sans l'aide financière de l'Etat». «L'on ne comprend pas pourquoi le député est écarté des visites sur le terrain effectuées par les walis. Qui a intérêt à nous éloigner de la gestion locale?» Un député RND souligne qu'il y a une volonté politique de confiner le rôle de l'APN uniquement à légiférer. «Tant que l'Exécutif persiste à monopoliser tous les pouvoirs, tant que la séparation des pouvoirs n'est pas respectée, le député aura les mains liées.» Son collègue rappelle qu'après la Présidence et le Conseil de la Nation, l'APN est censée occuper la troisième position dans la hiérarchie des institutions de l'Etat et du pouvoir. «Franchement, c'est du bluff. Vous vous rendez compte! En tant que membre du bureau de l'APN ayant une ligne téléphonique de souveraineté je suis incapable de joindre les ministres au téléphone. Ces derniers transfèrent les communications au bureau de leur chef de cabinet sous prétexte que le député intervient uniquement pour régler ses problèmes personnels et ceux de ses connaissances. Si vous ne me croyez pas, on peut faire un essai sur place.» Démonstration: le député compose devant nous le numéro de la ligne directe d'un ministère, en vain. Personne ne décroche. Sans équivoque, les parlementaires qualifient «de mépris» le comportement de l'Exécutif à leur égard. «Certains ministres, confie un membre de la commission des finances, à l'image de celui de l'Energie ou celui de la Participation, viennent à l'APN en donneurs de leçons, comme s'ils s'adressaient à des ignares, à des personnes qui ne peuvent assimiler leurs leçons. Désolé, mais il y a des cadres compétents, des intellectuels, des personnes conscientes des enjeux auxquels est soumis le pays. Il ne faut pas généraliser, cependant.» «Qu'on rétablisse le député dans sa véritable place au sein des institutions de l'Etat pour qu'il puisse contribuer au règlement des problèmes des citoyens sans avoir à recourir aux connaissances personnelles. Franchement, j'ai été plus respecté en tant qu'élu local dans l'une des communes d'Alger. J'avais plus de pouvoir et plus de prérogatives», atteste un autre. Et d'ajouter que les députés sont les souffre-douleur du système politique algérien: «Quand le système gaffe c'est le député qui est montré du doigt. C'est au coeur de cet imbroglio que nous évoluons depuis quelques années», souligne un député FLN, lequel reconnaît que le pouvoir exécutif actionne toujours «ses relais» pour faire plier les députés. Son collègue du même parti propose l'attribution de passeport diplomatique pour les députés: «Les exemples foisonnent de députés (algériens) qui ont subi des comportements humiliants dans les aéroports internationaux. Aucune autorité dans le pays n'a bougé le petit doigt pour dénoncer ces anomalies.» Enfin, les députés revendiquent «une place honorable» dans la société en rapport avec leurs mission et fonction. «Ce n'est qu'à ce moment-là que nous pourrons exercer pleinement notre mandat et servir le peuple», conclut notre interlocuteur.