Les formations politiques craignent l'amalgame que pourraient provoquer leurs positions auprès de l'opinion publique. Du haut du perchoir, M.Abdelaziz Ziari, président de l'APN, a exprimé le 28 janvier dernier, son souhait de voir le président de la République briguer un autre mandat. A quelques encablures du palais Zighoud-Youcef, le président du Sénat, M.Abdelkader Bensalah, s'est interrogé le jour même: «Après tous les progrès réalisés par le pays sur le plan socioéconomique, a-t-on le droit d'opter pour un choix autre que celui que nous avons fait huit ans auparavant?» Les deux hommes affichent publiquement leur soutien à la révision de la Constitution. Ils le font, dans des occasions officielles, à partir de deux institutions souveraines dans lesquelles cohabitent des formations de tendances politiques différentes. La question étant de savoir au nom de qui MM.Ziari et Bensalah s'expriment-ils. Et puis y a-t-il un consensus à l'APN sur cette question? Les formations politiques craignent l'amalgame que pourraient provoquer leurs positions auprès de l'opinion publique. Ahmed Issâd, président du groupe parlementaire du MSP, est catégorique: «Ziari ne s'exprime pas au nom de l'APN. Ses positions obéissent à la ligne politique du FLN. Cela n'engage en aucun cas la deuxième chambre parlementaire.» Les seules autorités habilitées à s'exprimer au nom du MSP sont le président du parti et le conseil consultatif: «En dehors de ses deux parties, les positions prises sur ce dossier, n'engagent pas la responsabilité du MSP», ajoute notre interlocuteur. Dans les coulisses du Parlement, les sorties des deux hommes de l'Etat ne sont pas du goût de l'opposition. L'on reproche aux présidents de l'APN et du Sénat «l'absence de concertation et de dialogue.» M.Ramdane Taâzibt, chef du groupe parlementaire du Parti des travailleurs (PT) rappelle qu'il existe 20 partis à l'APN et 7 groupes parlementaires: «Chaque parti fait sa propre analyse et a des propositions sur toutes les questions d'intérêt national. La révision de la Constitution en est une.» En sa qualité de président désigné par le FLN et élu en partie grâce à la majorité dont dispose ce parti à la première chambre, «Ziari, ajoute Taâzibt, est libre de donner son avis sur la révision du texte fondamental, au nom de son parti.» Et pourtant ce n'est guère l'impression laissée par les deux présidents du Parlement algérien. Très sûrs d'eux, confiants, ils ont multiplié ces dernières semaines leurs déclarations, donnant l'impression qu'ils sont mandatés par leurs institutions respectives. A titre de rappel, Abdelkader Bensalah a affirmé, lors de la clôture de la session parlementaire d'automne, que la révision constitutionnelle «n'est plus une revendication exclusive d'une classe politique donnée ni d'une catégorie ou d'un groupe déterminé de la société». Le président du Sénat, deuxième homme de l'Etat, et cadre influent au sein du Rassemblement national démocratique (RND), était parmi les premières personnalités politiques officielles à annoncer son soutien pour un troisième mandat au président, avant même que son parti ne se soit prononcé sur la question. Ziari précisera sa réflexion en affirmant que cette révision constitue «l'une des principales exigences à prendre sérieusement en considération dans l'intérêt du pays et de la nation». Selon lui, la révision de la Constitution devra consacrer la volonté du peuple dans le choix de ses représentants sans limitation de mandats électoraux. Il a jeté un pavé dans la mare, en précisant que cette limitation était parmi les conditions imposées de l'extérieur à certains pays africains durant les années 90, sous prétexte du principe de l'alternance au pouvoir. Selon des sources parlementaires, la révision de la Constitution n'a jamais été abordée officiellement durant les réunions des bureaux du Parlement, y compris celles tenues le 19 février, à la veille de l'ouverture de la session de printemps. En d'autres termes, comme le souligne M.Moussa Touati, président du Front national algérien (FNA), les deux présidents agissent «de manière quasi unilatérale». «Je crois sur ce point, affirme-t-il, qu'il existe une volonté de se substituer à la volonté populaire.» Pour Touati, le Parlement n'a pas le droit de s'exprimer au nom du peuple parce que tout simplement, ce pouvoir manque de légitimité, «une minorité d'électeurs a donné sa confiance au Parlement. Cela lui enlève le droit de parler au nom du peuple.» Sans les citer, le président du FNA accuse Ziari et Bensalah de faire dans l'opportunisme politique «dans l'espoir de se maintenir dans leurs positions». Du côté du FLN et du RND, l'on ne partage pas ces avis. Contacté par L'Expression, M.Miloud Chorfi, président du groupe parlementaire du RND, estime que «Ziari et Bensalah sont issus de la majorité. Il sont, en ce sens, tout à fait habilités à s'exprimer au nom du Parlement». «Je pense que tout le monde est d'accord sur le fait qu'à aucun moment, ces deux hommes n'ont agi contre l'intérêt du peuple ni contre celui du Parlement», conclut-il. Armés de cette conviction, les présidents du Parlement, confirment nos sources parlementaires, vont solliciter le chef de l'Etat ce matin, à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire de printemps, pour accélérer le processus de la révision constitutionnelle.