Quelques heures avant son départ, M.Lahoud a chargé l'armée de la sécurité du pays, initiative rejetée comme «inconstitutionnelle», par le gouvernement Siniora. Le président libanais,Emile Lahoud, a quitté le palais présidentiel à la fin de son mandat vendredi à minuit, laissant le Liban en proie à une profonde crise politique, sans chef de l'Etat après que le Parlement eut à nouveau échoué à élire son successeur. Quelques heures avant son départ, M.Lahoud a décidé de confier à l'armée la sécurité du pays, une initiative immédiatement rejetée comme «inconstitutionnelle» par le gouvernement du Premier ministre, Fouad Siniora. M.Lahoud a fait ses adieux au personnel du palais avant de passer en revue un détachement de la Garde républicaine, tandis qu'une fanfare jouait une marche militaire. Il a ensuite quitté l'enceinte du palais en voiture. «Un président de consensus devrait être élu», a-t-il affirmé à des journalistes juste avant de quitter le palais de Baâbda. Le gouvernement de M.Siniora «est illégal et inconstitutionnel, quoi que l'Amérique, la France et d'autres disent», a ajouté l'ancien président pro-syrien. Ancien militaire, âgé de 71 ans, Emile Lahoud, un chrétien maronite, a été élu président sans concurrent en 1998. Son mandat a été prorogé de trois ans en 2004 sous la pression de la Syrie, puissance de tutelle au Liban à l'époque, au grand dam des Occidentaux. Vendredi, la séance parlementaire consacrée à l'élection d'un nouveau chef de l'Etat a été reportée pour la cinquième fois en deux mois, faute d'un accord entre la majorité parlementaire pro-occidentale et l'opposition soutenue par Damas et Téhéran. Une nouvelle séance a été fixée au vendredi 30 novembre. Des centaines de personnes, en grande majorité des partisans du chef de la majorité parlementaire anti-syrienne Saâd Hariri, ont fêté le départ de M.Lahoud dans le quartier beyrouthin de Tarik Jdidé, en dansant la dabké, danse traditionnelle libanaise. «Dieu, Hariri et Tarik Jdidé», chantait la foule, tandis que des femmes distribuaient des fleurs aux passants. «Nous faisons la fête parce le mandat de Lahoud a été la période la plus sombre de l'histoire du Liban», a affirmé Mazen Hammoun, un habitant du quartier. «C'est au cours de son mandat que tant de martyrs ont été assassinés, y compris l'ancien Premier ministre, Rafic Hariri», a-t-il ajouté. Le gouvernement de M.Siniora a assuré vendredi soir qu'il continuerait d'«assumer ses responsabilités et d'exercer toutes ses prérogatives» après le départ du président. En vertu de la Constitution, les prérogatives du chef de l'Etat sont automatiquement transmises au gouvernement en cas de vacance de la présidence. Le report de l'élection présidentielle aggrave les incertitudes sur l'avenir politique du pays et les inquiétudes sur une dégradation de la sécurité. De multiples interventions internationales, de la France en particulier, mais aussi de l'ONU et la Ligue arabe, pour débloquer la situation, sont restées vaines. La majorité parlementaire anti-syrienne accuse l'opposition de vouloir un président inféodé à la Syrie et à l'Iran. Le camp pro-syrien est, de son côté, convaincu que le pouvoir veut choisir un chef de l'Etat soumis aux Américains. En raison de la haute tension politique, les mesures de sécurité ont été renforcées, notamment à Beyrouth et ses environs. Blindés, soldats et membres des Forces de sécurité intérieure étaient postés aux principaux axes de la capitale. Au Liban, l'armée est régulièrement chargée du maintien de l'ordre. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a regretté vendredi le nouveau report de l'élection présidentielle, exhortant les parties à maintenir le calme et à s'efforcer de trouver un compromis. Le département d'Etat américain a, lui aussi, appelé toutes les parties libanaises à «faire leur possible pour maintenir le calme et assurer la sécurité des Libanais». L'Union européenne a appelé les partis politiques libanais à «continuer le dialogue». La France a dit qu'elle continuait «à espérer un accord».