Après plusieurs tracasseries de toutes sortes, les efforts du réalisateur sont enfin récompensés car son film est à l'écran, mais est-ce suffisant? L'Expression: Votre film Chacun sa vie a été enfin projeté sur grand écran après plusieurs années de tournage dues à de nombreuses difficultés rencontrées. Peut-on en connaître les causes? Ali Ghanem: Je suis effectivement soulagé car ce film m'a créé beaucoup de problèmes, notamment financiers. Ce fut une expérience douloureuse car j'ai été le producteur principal de ce film alors qu'à la base je ne suis pas producteur. Au départ, c'est la Télévision algérienne qui a accepté de coproduire le film, grâce à Hamraoui Habib Chawki, ensuite, il y a eu les sponsors. Le film je l'ai «gonflé» en 35mm, avec le mixage et le montage grâce à la subvention du ministère de la Culture. Je l'ai ainsi présenté dans le cadre de la manifestation «Alger capitale de la culture arabe 2007». Maintenant, je vais me lancer dans une autre bataille c'est-à-dire le sortir en Europe, le vendre et j'espère, grâce à cela, récupérer mes billes, autrement dit, pouvoir le rentabiliser pour que je puisse payer les techniciens à qui je dois encore de l'argent, en plus de mes partenaires qui m'en ont prêté. C'est une expérience vraiment pénible parce que j'ai tourné le film de façon très hachée. Cela m'a pris plus de 4 ans. J'ai eu de la chance que la Télévision algérienne ne réclame pas immédiatement la copie comme cela se passe à l'étranger. En même temps, je suis content car j'ai traité un sujet que j'estime intéressant, à savoir le problème du retour, de l'intégration. Ça ne sort pas des sujets que j'ai l'habitude de traiter où j'aborde les problèmes sociaux, le monde ouvrier, car je suis contre l'injustice, les rapports de classes...Même si au fond je préfère regarder au cinéma un bon film policier.. Justement, on croit savoir que votre prochain long métrage va s'éloigner un peu de la thématique de l'immigration. Ce sera une comédie dramatique. C'est l'histoire d'une amitié entre deux femmes, une Maghrébine algérienne et une Belge, face au même homme. Elles sont ses deux femmes. A travers cela, je délire. Je parle du quotidien de cet homme et de ses rapport avec ses deux femmes qui ne se laissent pas faire. Le mensonge, les tromperies, la routine sont des sujets qui m'intéressent. Je suis très sensible aux rapports entre les êtres humains d'où cet intérêt pour ce sujet. Mais par exemple, si un jour je trouve beaucoup d'argent, j'aimerais faire, demain, un film policier car mon grand dada est le film noir. Malheureusement comme je suis un petit cinéaste, je ne pourrais trouver les moyens pour réaliser un grand film d'autant plus que j'appartiens à un pays où l'on ne fait pas ce genre de films... A votre avis, de quoi souffre notre cinéma, du manque de moyens, d'une crise de scénarios ou encore du manque d'imagination? C'est avant tout un problème d'argent. Je ne suis contre personne mais je crois qu'il est temps que notre gouvernement prenne le cinéma au sérieux et assume ses responsabilités. Car le cinéma fait partie de la culture quotidienne des gens. Le cinéma est une affaire d'argent. Pour faire des films et traiter de sujets divers, il faut beaucoup d'argent. Simplement. Le problème en Algérie n'est pas une crise de scénarios. Comme l'Etat donne de l'argent et la Télévision algérienne, la principale chaîne appartient à l'Etat, nous, les cinéastes, nous ne pouvons pas aborder certains sujets tabous comme la sexualité, la religion ou critiquer le pouvoir même de façon constructive, parce que c'est le pouvoir qui donne de l'argent. On ne peut pas avoir un regard critique, constructif, sur ces sujets notamment. De plus, même si l'Etat nous donne demain de l'argent, où allons-nous regarder ces films? Il faut que l'Etat construise des salles de cinéma. Il n y a pas de vie culturelle dans ce pays. Où aller? Il y a à peine une seule pièce de théâtre qui se joue et pas assez d'endroits fréquentables pour aller passer un bon moment. La preuve aussi, est qu' une grande partie de nos cinéastes sont partis à l'étranger. Là-bas, ils galèrent. On passe son temps à demander de l'argent à des producteurs européens qui nous disent, vous traitez des sujets qui ont un rapport avec le Maghreb pourquoi vous ne demandez pas de l'argent à vos pays d'origine? Nous sommes des cinéastes, des créateurs. Ce qui nous intéresse c'est de tourner. C'est pourquoi on s'accroche toujours et on a l'espoir de trouver un jour ces financements. C'est le cas aussi de beaucoup d'écrivains qui se font connaître d'abord à l'étranger puis dans leur pays. C'est pourquoi je dis, encore une fois, que l'Etat doit prendre au sérieux la culture car on a assez souffert comme ça.