Le réalisateur nous parle du film qui a enfin vu le jour, de ses raisons et aboutissements... Après maintes tergiversations et conflits, le film Si Mohand U M'hand est enfin porté à l'écran après avoir provoqué des différends entre producteur, réalisateur et auteur. Des remous dans la vague cinématographique. La vie du barde kabyle est ainsi vue par tout le monde. Que l'oeuvre soit appréciée par tous, ceci est une autre histoire... L'Expression: Etes-vous satisfait par cette dernière mouture que vous avez présentée lors de l'avant-première? Rachid Ben Allal: Je pense que c'est une mouture qui se tient. Seulement, je ne suis pas satisfait par la musique, parce que Guechoud avait fait un beau travail qui n'est pas très bien reflété dans le film. Il y a eu une prédominance d'ambiance. Or, la musique pour moi a une importance capitale dans un film parce qu'elle peut soutenir l'image plus que les ambiances. Sur quelle base vous vous êtes inspiré pour réaliser le film. Ce dernier est-il une adaptation fidèle de la vie et l'oeuvre de Si Mohand U M'hand? Il s'agit de traduire en image ce qui est écrit au niveau du scénario. Là, il y avait des contraintes parce que le tournage s'est déroulé dans une périphérie très réduite, ce qui fait qu'il a fallu au jour le jour, adapter, trouver des décors idoines et faire en sorte de coller fidèlement à ce qui a été écrit. En même temps, un cinéaste n'est pas quelqu'un qui réinvente les plans, mais il subit parfois des référents de films qu'il a aimés. Je pense au niveau du film qu'il y a eu parfois une espèce d'influence de certains cinéastes que j'aime beaucoup à l'image d'Hitchcock, Orson Welles, etc. J'ai essayé de faire le film en lui donnant une enveloppe relativement moderne par rapport au cinéma «ethnociste». Qu'entendez-vous par un cinéma ethnociste? Un cinéma lourd, lent qui insiste sur les aspects plus au moins folkloriques. Comme vous l'avez vu dans la scène du mariage, on voit juste l'orchestre mais on ne voit pas les gens manger... Avez-vous eu des contraintes pour réaliser ce film? Oui, bien sûr. Un film pareil nécessite énormément d'argent. Je pense que les contraintes viennent parfois de l'absence d'argent. Quel a été ce conflit qui a émaillé ce film bien avant sa sortie, faisant couler beaucoup d'encre. Maintenant qu'il est porté à l'écran, peut-on connaître les dessous de «l'affaire»? Vous savez, parfois quand des gens sont inoccupés, ils colportent des rumeurs qui, en fin de compte, n'ont servi à rien. Des rumeurs, du style : le film ne parle pas berbère, polémique du genre : l'équipe ne parle pas berbère, il paraît que le film parle en arabe. Ce sont des choses qui ne servent à rien quand on voit les résultats. Le film est dédié à Ali Zaâmoum. Pourquoi ce choix? Parce qu'Ali Zaâmoum, que Dieu ait son âme, était un grand ami de Liazid Khodja. Je ne sais pas si vous vous rappelez, lors du tournage du film, c'est Ali Zaâmoum qui avait actionné le premier tour de manivelle. J'aurais souhaité qu'il assiste à la projection du film. Hélas, il est décédé il y a de cela 40 jours. Lors de votre allocution d'ouverture, vous avez évoqué la coïncidence avec la création du CNC, au moment où certains cinéastes qui continuent à espérer en la relance du secteur cinématographique en Algérie et d'autres ont perdu espoir. Un commentaire là-dessus? Forcément, tant qu'on n'a pas une structure, comment voulez-vous faire un film qui nécessite beaucoup d'argent et croire en vos rêves? Ce n'est pas possible. C'est pour cela qu'on se retrouve dans une situation où pour faire un film, il faut essayer d'avoir un producteur en France, débloquer les choses ici. Cela est pénible. Parce que moi je vis en Algérie, je ne suis pas résident en France et j'aimerai faire des films en Algérie, pour l'Algérie. Croyez-vous en l'efficacité prochaine ou hypothétique du CNC? Pour le moment, il n'existe que sur le papier. Il faudrait qu'il y ait des hommes animés de bonne volonté avec des mentalités nouvelles, qui ont l'esprit d'initiative, qui aiment le cinéma et qui veulent encourager les cinéastes, nos jeunes... Si vous aviez un message à lancer à travers votre film, quel serait-il? «On ne jette des cailloux qu'aux arbres fruitiers!» C'est un proverbe issu de notre terroir. L'avenir de ce film? Son avenir appartient au public. Il sortira dans les salles après le mois de Ramadan et fera même l'objet d'une sortie à Paris. Des projets? Oui. J'ai un projet en perspective. J'ai lu un magnifique roman qui s'appelle Il aura pitié de nous de Rochd Djigouadi. Je suis en train de travailler sur son adaptation à l'écran. J'espère que, si la structure du Cnca existe, ce sera sa première oeuvre. Quelle impression avez-vous en étant le 6e réalisateur du film ayant apporté la dernière pierre à son édifice? C'est une grande joie. Le film commençait à sentir le soufre. Je vous avouerai honnêtement que j'en avais peur. Par la suite, le film a été suivi par la baraka de Si Muhand U M'hand. C'est peut-être lui-même qui m'a choisi. A travers le film, on constate que ce poète était un véritable marginal, écorché vif, un incompris... Tout à fait. Il était incompris, exclu, marginalisé. C'est un peu le cas de beaucoup de compétences en Algérie, si on veut faire la relation. Parfois, il avait des poèmes visionnaires. Ces poèmes du XIXe siècle reflétaient très bien la situation que l'on vit actuellement. Par exemple, le poème sur les immigrés qui reviennent et qui friment, parlent français ou anglais, etc. C'est un poème évident. Il suffit simplement de le retransposer avec les immigrés qui viennent vous snober avec leurs euros.