Certains importateurs sont plus préoccupés par la recherche d'un douanier corrompu que par les procédures réglementaires. Panique dans les milieux des affaires. Depuis quelques jours, un nombre incalculable d'importateurs si toutefois ce terme convient ne savent pas où donner de la tête pour régulariser la situation de leurs conteneurs abandonnés souvent pour des raisons obscures au port d'Alger. La première saison de chasse à ces milliers des conteneurs chargés de divers marchandises vient de se solder par l'ouverture, hier, d'une vente aux enchères des produits laissés par leurs propriétaires. La brigade des conteneurs a, en effet, passé une saison entière pour mettre la main sur ces conteneurs, qui, tout en étant abandonnés, étaient en permanence déplacés pour des raisons occultes. Cette mission a été péniblement accomplie, nous confie un élément de cette brigade. «Je ne comprends pas pourquoi certains conteneurs abandonnés sont constamment déplacés partout dans le port», s'exclame-t-il. En vérité, la direction des douanes n'a fait, à travers cette vente, qu'appliquer rigoureusement les dispositions du code des douanes, notamment l'article 209 qui stipule qu'après plus de 4 mois et 21 jours, les containers passeront sous le régime de dépôt douanier. C'est-à-dire après cette durée limite, l'institution douanière pourra opérer une mainmise. La vente d'hier au niveau du terminal conteneurs a été consacrée exclusivement aux produits agroalimentaires périssables appartenant à au moins une centaine d'importateurs. Des haricots, du miel, des pois chiches et surtout du café ont été étalés à l'intérieur du hangar du terminal. Certains conteneurs ont passé dix ans au port d'Alger. On parle de plusieurs autres conteneurs de biens d'équipement saisis, entreposés dans un hangar au Palais des expositions, qui seront bientôt mis aux enchères. Cette prise est évaluée, selon certains, à des milliards de dinars. L'application de l'article 209 permettra de désengorger le port qui trouve énormément de difficultés à gérer cette situation devenue désormais insoutenable. Il y a certainement des interrogations quant aux raisons qui ont poussé les importateurs à abandonner leurs marchandises achetées à coups de centaines de milliers de dollars, voire des millions, à crédit de surcroît. Des sources douanières nous ont affirmé que souvent, certains importateurs déchargent la marchandise, puis se mettent à la recherche d'un douanier corrompu pour les aider à falsifier la déclaration de douanes. «La tchippa est de rigueur, non seulement dans les milieux douaniers ou policiers, mais aussi souvent, chez les banquiers et les agents du fisc», déclare un acheteur intéressé par la marchandise. Des importateurs font entrer moins que la valeur empruntée à la banque, le reste est placé dans d'autres affaires informelles. Alors que d'autres rencontrent des problèmes de certificats d'origine. C'est-à-dire importer des produits de contrefaçon et les déclarer produits européens. Pour contourner les obstacles réglementaires, ils feront appel à des fonctionnaires à l'intérieur de ces institutions, ce qui prendra beaucoup de temps au moindre problème survenu. «Cette pratique n'est pas étrangère», nous susurre un douanier. C'était d'ailleurs la règle pendant la dernière décennie. Il est toutefois impossible de donner la valeur exacte de ce trafic, puisqu'il n'implique pas uniquement des douaniers, mais d'autres fonctionnaires: banquiers et agents du fisc. Idem pour ce qui est du nombre d'infractions enregistrées dans ce contexte. Par ailleurs, dès l'annonce de la mise en vente des trente conteneurs, certains importateurs ont réapparu pour déposer la déclaration de douanes. Quelque-uns ont réussi de justesse à sauver leurs marchandises, en fournissant des arguments solides justifiant ce si long et inexpliqué abandon de la marchandise. Le receveur principal de la douane nous a déclaré que ces opérations ne font que commencer. «L'institution douanière pourchassera ces conteneurs anonymes», nous confie-t-il. L'arrivée de scanner, l'informatisation des ports et la moralisation du métier de douanier semblent porter leurs fruits, en attendant que les faux importateurs trouvent d'autres combines pour briser encore l'économie nationale. Selon certaines indiscrétions, beaucoup d'importateurs ont fui le port d'Alger depuis l'installation du scanner. Cependant, certains trouvent souvent le moyen d'introduire leurs importations notamment quand ce dernier est en panne.