La capitale a bel et bien vécu une journée d'élections, mais pas les Algérois. Alger s'est réveillée, ce jeudi, sous un ciel grisâtre et pluvieux. La ville a pris toutes les allures, sauf celles d'une capitale. C'était le désert. Alger, a-t-elle pris congé? Non, c'est le jour des élections pour le renouvellement des Assemblées communales et de wilaya. «Quoi, y a-t-il un vote en Algérie?» s'exclame, avec ironie, un jeune adossé au mur, face à la Fac centrale. Si la question laisse pantois plus d'un, il n'en reste pas moins qu'elle en dit long sur la position adoptée vis-à-vis des joutes électorales de ce week-end. Alger a bel et bien vécu une journée d'élections, mais pas les Algérois. Les bureaux, ouverts à 8 heures du matin, manquaient de chaleur humaine. Jusqu'à midi, l'affluence était faible. Les gens passaient devant les bureaux de vote, sans broncher. «Ils nous ont déjà saturé le cerveau avec leurs (les candidats, Ndlr) promesses lors des élections précédentes, mais sans résultats palpables! Avez-vous vu, au moins une fois dans l'histoire de l'Algérie indépendante, un maire se mettre à table, inviter ses collaborateurs et, faire le bilan de son "règne"?» proteste Djamel, commerçant au Télemly. Et de répondre froidement et avec conviction: «Je vous défie de m'apporter un seul exemple!». Le même cas au café faisant face au bureau de vote, sis à l'école primaire Jugurtha. Entre le café et l'école, il y a comme une frontière infranchissable. Le fossé virtuel séparant les deux lieux semble s'approfondir à mesure que le temps passe. Un groupe de jeunes, sirotant leur café tranquillement, entrecoupé d'une bouffée de cigarette, tout en observant la pluie torrentielle qui tombe du ciel chargé. «Par un temps pareil, rien n'égale un endroit douillet devant la télé et zapper!» souffle Chemssedine à son copain. «Tu ne vas pas voter?» l'interpelle celui-ci. «Je ne suis pas près de sacrifier mon temps libre pour élire celui qui se bourrera les poches de l'argent du peuple. Jamais cela n'arrivera. Jamais de la vie!» jure-t-il, tout en renchérissant: Je sais qu'avec ou sans ma voix, quelqu'un sera élu. Cependant, en ne me rendant pas aux urnes, j'aurai quand même la conscience tranquille quand on viendra me parler des détournements des fonds de l'APC. Ce qui n'est pas de l'avis de son camarade, Mohamed qui, lui, insiste et dit: «En démocratie, il faut voter pour contrecarrer les piètres gestionnaires, qui ne pensent qu'à s'enrichir». 11h30 affiche l'horloge de la place Audin. L'agent de police, régulant la circulation, brave les cordes de pluie qui lui tombent dessus. Les quelques passants qui viennent tout juste de sortir du bus, courent dans tous les sens pour se réfugier, qui dans les abribus de fortune, qui aux devantures des magasins. A Alger-Centre, les gens ne se bousculent pas aux bureaux de vote. Le cas est le même à la place des Martyrs, ou encore au lycée Emir Abdelkader, aux portes de Bab El Oued. Ce n'est que dans l'après-midi que quelques électeurs, dont la flamme de l'espoir est encore vive, se sont rendus aux urnes pour «tenter le coup, peut-être, cette fois-ci c'est la bonne», espère ammi Ali, un sexagénaire, qui reste, malgré le poids des ans, optimiste.