Sarkozy a essayé de trouver le juste milieu. Entre les surenchères néocolonialistes de Bruno Mégret et les revendications légitimes des Algériens quant à la repentance, le président français, Nicolas Sarkozy, a essayé de trouver le juste milieu et des mots qui sonnent juste. Il ne s'agissait pas de souquer entre les écueils, mais d'être crédible sur un sujet qui ne peut pas faire autrement que fâcher. Devant les jeunes étudiants de l'université Bachir-Mentouri de Constantine, cité d'art et d'histoire, capitale de Massinissa et ville natale de Ben Badis, Nicolas Sarkozy a puisé dans le lexique des mots qu'il fallait pour affirmer que le système colonial était injuste par nature et ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d'asservissement et d'exploitation. Ce dirigeant français qui s'est longtemps prononcé contre la repentance a évolué. Il n'a pas, pour une fois, déclaré que les torts étaient des deux côtés, car on ne pourra jamais mettre sur un pied d'égalité l'envahisseur et le colonisé, le bourreau et la victime, l'exploitant et celui qui était dépouillé de tous ses biens, enfermé avec toute sa famille dans des camps de cantonnement, déporté en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie, mis aux fers, au cachot, aux travaux forcés, et qui s'est vu dépouillé de sa personnalité, de sa culture, de sa langue, pendant plus de cent trente ans, subi les enfumades et la politique de la terre brûlée, exilé, mutilé, humilié, soumis au code de l'indigénat qui est le déni le plus flagrant de la personnalité et une atteinte intolérable aux droits de l'homme. Il n'est donc pas question de repentance ni de signature de traité d'amitié. Tant pis ou tant mieux. Il vaut mieux cela qu'un traité au rabais, surtout après l'adoption de la loi du 23 février faisant l'éloge des aspects positifs du colonialisme. Cela dit, il est important que le chef de la majorité parlementaire française, au moment où cette loi a été adoptée, reconnaisse aujourd'hui, devant les jeunes Algériens, que le colonialisme fut une entreprise d'asservissement. Si l'Allemagne d'Adenauer a reconnu les crimes nazis avant de signer avec le général De Gaulle un traité d'amitié et de jeter les bases du futur grand marché européen, pourquoi est-ce que le chef de l'Etat français actuel, à la veille d'écrire une nouvelle page entre les peuples algérien et français, ne reconnaît-il pas tout simplement les crimes coloniaux, pour regarder vers l'avenir, d'autant plus que cet avenir est aussi porteur d'espoir avec le lancement d'une nouvelle entité qu'est cet ensemble méditerranéen? On peut donc aller dans le sens de ce qui a été déclaré par Nicolas Sarkozy lui-même; en souhaitant donner la force «à ce qui nous unit et pas à ce qui nous divise». En d'autres termes, «l'Algérie et la France ont besoin l'une de l'autre». Les autres remarques du chef de l'Etat français, qui s'est adressé à la jeunesse algérienne à travers le discours prononcé devant les étudiants de Constantine, portent sur le caractère impardonnable des fautes et des crimes du passé, avant d'ajouter que «c'est notre capacité à conjurer le fanatisme, l'intolérance, le racisme que nos enfants nous jugeront». Il a également rendu un hommage appuyé aux héros de la résistance algérienne, à savoir l'Emir Abd El Kader qui s'est «battu jusqu'au bout de ses forces pour l'indépendance de l'Algérie». On peut dire qu'après les déclarations de l'ancien ambassadeur français, faite en 2005 à Sétif, c'est la première fois qu'un haut dirigeant français aborde, de front, les crimes coloniaux, et l'on peut dire que c'est une nouvelle page qui s'ouvre.