Les dernières balles ont quitté le canon accusant Mouamar El Gueddafi de «terroriste» et Nicolas Sarkozy de l'avoir blanchi. La visite de Mouamar El Gueddafi en France, prévue du 10 au 15 du mois en cours, continue d'alimenter un feu nourri depuis l'annonce de cette escale, lors du déplacement de Nicolas Sarkozy, en juillet dernier, en Libye. Le Guide libyen a enflé davantage la polémique lorsqu'il a exigé des ex-Etats colonisateurs, à la veille du sommet Afrique-UE de Lisbonne, «des compensations pour la période coloniale». Le dirigeant de la Jamahiriya est allé encore plus loin, déplorant sur sa lancée le fait que le pouvoir soit confisqué par les «superpuissances» et ait justifié le «recours au terrorisme» des faibles. Et voilà qu'un autre prétexte entre en jeu pour que les Français aient recours à des justificatifs, autres que ceux avancés, pour dénoncer la visite d'El Gueddafi en France. La polémique a refait surface un peu plus de quatre mois après la libération, si controversée, fin juillet, des personnels soignants bulgares détenus en Libye. Le président français Nicolas Sarkozy a été accusé d'avoir «troqué» les infirmières contre la signature d'accords politiques et commerciaux et un échange de visites. Après une accalmie de quelques jours, l'ancien représentant de l'Union européenne en Libye, Marc Pierini, a mis à profit, jeudi, la reprise de la controverse pour déclarer, devant la commission d'enquête parlementaire sur la libération des infirmières, que «l'élément décisif a été la disponibilité de la France à se prêter à une discussion, fondamentale pour le colonel (Mouamar) El Gueddafi, sur les armements et le nucléaire». Tout a été minutieusement calculé par les Français. Autrement, comment peut-on expliquer le silence de Marc Pierini ainsi que le Parlement français pendant toute la période précédant la visite de Mouamar El Gueddafi en France? La politique a horreur du vide. Mais surtout du hasard. Hier, les Français se mordaient les doigts d'avoir gelé une polémique qui devait conduire à l'annulation carrément de l'escale. Les dernières balles ont quitté le canon accusant Mouamar El Gueddafi de «terroriste» et Nicolas Sarkozy de l'avoir blanchi. Hier, le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, a demandé l'annulation de la visite «inacceptable» que le Guide de la révolution libyenne entend faire à l'Assemblée française. Jean-Marc Ayrault a annoncé que son groupe refusait d'accueillir l'hôte de Nicolas Sarkozy. Les députés socialistes «demandent solennellement au président de l'Assemblée nationale d'annuler cette réception», a laissé entendre, hier, le président du groupe des députés socialistes. «Si le colonel El Gueddafi veut être invité, il doit mettre fin à son système d'exactions. Il doit cesser de promouvoir, en actes et en paroles, le terrorisme international», poursuit Jean-Marc Ayrault. Et de préciser sur sa lancée que la commission d'enquête parlementaire sur la libération des otages bulgares de Libye «a révélé les tortures et les sévices dont ils ont été victimes», avant leur libération obtenue par le président français Nicolas Sarkozy en juillet. De son côté, le patron du Parti socialiste, François Hollande, a estimé qu'«aucune signature de contrats commerciaux ne peut légitimer un tel aveuglement de la part de Nicolas Sarkozy». «Cette visite est indigne de la France et indigne pour la France», avait déjà tonné, vendredi, le centriste François Bayrou. L'ex-candidate à l'Elysée et ennemi juré de Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, a, quant à elle, qualifié la visite de «très choquante», avançant le prétexte de la torture des infirmières bulgares dans les prisons libyennes. D'autres associations sont également montées au créneau à l'instar du réseau écologiste «Sortir du Nucléaire» qui a demandé «l'annulation de l'accord nucléaire» signé entre Paris et Tripoli. Quant à l'association française anti-nucléaire, Tchernobyl, elle a carrément pris le taureau par les cornes, en introduisant une plainte pour torture contre le numéro un libyen. Laquelle association a demandé l'arrestation du Guide libyen lors de sa venue en France. C'est dire que la visite, aujourd'hui, de Mouamar El Gueddafi en France ne s'annonce pas sous d'heureux auspices. Sa réplique risque d'être aussi sévère que la campagne menée contre lui par les Français. C'est un théâtre politique à la française.