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Tranquillement, l'Histoire se réécrit
DOCUMENTAIRE ALGERIE, HISTOIRES À NE PAS DIRE
Publié dans L'Expression le 12 - 12 - 2007

Regards sur le cinéma algérien: Jean-Pierre Lledo à Montréal.
Le documentaire de Jean-Pierre Lledo, Algérie, histoires à ne pas dire, a été présenté en grande première nord-américaine, à l'Office National du film de Montréal, le 9 décembre dernier, dans le cadre de l'événement «Regards sur le cinéma algérien», organisé par l'Union des artistes algéro-canadiens (Udac).
Véritable travail de mémoire sur l'identité algérienne, le documentaire de Jean-Pierre Lledo questionne, plus de 40 ans après le départ des pieds noirs et l'indépendance de Algérie, sur ce qui reste de la cohabitation entre les Européens qui vivaient en Algérie avant 1962, dans la mémoire des Algériens.
À travers son film, Lledo suit quatre personnages qui, en quête de vérité, reviennent sur leur enfance, marquée par des années de guerre et par la fin de la colonisation française. Racontés de manière souvent très directe et assez choquante, les récits de guerre des survivants et des anciens partisans du FLN ont, d'ailleurs, vraisemblablement créé plusieurs malaises dans la salle lundi dernier, plusieurs spectateurs ayant sûrement leurs propres opinions et leurs propres histoires sur ces événements. Le film dont la commission audiovisuelle de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe» avait annulé la projection en Algérie en juin 2007, a cependant été accueilli très chaleureusement par le public majoritairement algérien, venu assister à la projection montréalaise. Solidaire de sa cause suite à l'annulation, c'est Zineb Sahli, cofondatrice et présidente de l'Union des artistes algéro-canadiens, qui a invité M.Lledo à présenter son film à Montréal Le réalisateur des documentaires Algérie, mes fantômes et Le rêve algérien considère d'ailleurs cette première nord-américaine comme une avant-première algérienne. «Cette soirée est comme une avant-première algérienne puisqu'on m'en a privé au mois de juin passé» a-t-il déclaré aux quelque dizaines de personnes présentes dans la petite salle.
Bien que son film Algérie, histoires à ne pas dire n'ait pu être présenté en Algérie qu'à Béjaïa le 6 novembre dernier, Jean-Pierre Lledo demeure prudent quant aux raisons de l'annulation des projections de juin dernier. «On ne peut pas complètement parler de censure. Je n'ai pas remis mon film aux membres de la commission audiovisuelle avant la projection puisqu'ils n'étaient pas supposés agir en tant que censeurs. J'ai cependant organisé trois soirées de projections privées, mais pas clandestines, auxquelles environ 150 personnes sont venues. Si le film avait été complètement censuré, ils m'auraient envoyé deux policiers» explique-t-il en demandant à la société civile algérienne de jouer son rôle et de l'inviter à diffuser son film comme le cinéclub d'Alger et une organisation de Constantine l'ont fait.
«C'est dérangeant, ça ne passera pas tout de suite à Alger» a lancé une femme lors du débat qui suivait la projection du documentaire.
En effet, visiblement reconnaissant du travail qu'a accompli Jean-Pierre Lledo avec ce dernier film, la plupart des gens venus assister à la projection s'entendaient sur un point: Algérie, histoires à ne pas dire traite d'un malaise historique et identitaire toujours bien présent tant chez les anciennes générations que chez les nouvelles. «Au-delà du film, il y a une rencontre qui reste à faire entre ceux qui sont restés et les Européens qui sont partis. Cette rencontre il faudra qu'elle ait lieu un jour» déclarait un autre spectateur à la salle.
Cette rencontre a, cependant, lieu tous les jours depuis quelques années d'après Jean-Pierre Lledo. Selon lui, chaque année, des juifs et des pieds noirs reviennent dans leurs villes natales et sont très bien accueillis. «Le problème c'est que la presse algérienne en parle très peu parce que certaines personnes veulent avoir le monopole sur l'histoire et ne laissent pas les gens s'exprimer.[...] Même les historiens ne peuvent pas faire leur travail» a ajouté Lledo.
Cette autocensure, est par ailleurs, bien présente à travers le film lui-même. Des témoins qui ne se présentent pas à leur rendez-vous avec le réalisateur ou qui refusent de livrer certains faits à la caméra, des carrés noirs pour cacher l'identité de deux des personnages principaux à la suite de l'annulation des projections à Alger. La guerre d'Indépendance hante visiblement toujours les consciences algériennes et, pour plusieurs victimes et bourreaux, pèse toujours comme une malédiction.


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