A Alger, on ne connaît apparemment pas les phrases du genre: «Rien ne sera comme avant», puisque la force de se battre demeure à jamais intacte. La mine défaite, l'air épuisé, Alger s'est réveillée, hier matin, lasse du double attentat kamikaze l'ayant ciblée la veille, mardi 11 décembre. 8h 30. Les citoyens vaquent, comme d'habitude, à leurs occupations. Sauf que, cette fois-ci, la peur et la consternation sont là. Visibles sur les visages. La journée d'avant-hier les a sérieusement ébranlés. Quoi qu'il en soit, la vie poursuit, nonchalamment, sa marche vers l'infini. A Alger, on ne connaît apparemment pas les phrases du genre: «Rien ne sera comme avant», puisque la force de se battre demeure à jamais intacte. Le matin, l'oreille tendue à la radio, on reste aux aguets pour la moindre nouvelle pouvant parvenir des lieux du drame. Car, selon les dernières informations diffusées, les éléments de la Protection civile ont travaillé sans relâche, pendant toute la nuit. Braves et courageuses, ces unités ne quittent les lieux qu'après s'être assurées qu'aucune personne encore en vie n'est restée sous les décombres. C'est à juste raison, car plusieurs personnes ont été tirées de sous les décombres. Les efforts des éléments de la Protection civile n'ont donc pas été vains. Autre réaction, quasi machinale, les buralistes ont été pris d'assaut. Les journaux se vendaient comme des petits pains. On n'hésite pas à débourser 10 DA pour acheter l'information. Certains, inassouvis, ne se contentant pas d'un seul, achètent jusqu'à quatre quotidiens pour avoir une vision plus claire et une opinion plus fondée sur les attentats d'Alger. Ailleurs, dans les cafés, les discussions vont de plus belle. «On ne comprend plus rien», lance un citoyen à son copain, accoudé au comptoir d'un café à Kouba. «Je ne sais plus qui des deux croire: les médias nationaux ou la presse étrangère. Les premiers avancent le nombre de 22 morts et 177 blessés, alors que la deuxième gonfle ce chiffre à plus de 50 morts!» A Alger, on ne se contente pas de parler de ce volet, mais aussi des véritables commanditaires des deux attentats. «C'est certainement l'oeuvre d'Al Qaîda, comme cela a été le cas des attentats du Palais du gouvernement», soutiennent plusieurs citoyens, comme pour confirmer les thèses du ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, avant que ces mêmes thèses ne soient affirmées par la filiale d'Al Qaîda au Maghreb, sur son site Internet. 11h, retour sur les lieux du drame. La tentative était vaine. «L'accès est interdit à tous, sauf la Police et la Protection civile», ordonne, sur un air menaçant, un agent de police, à l'entrée de la route menant au Conseil constitutionnel, à Ben Aknoun. Et devant notre insistance, tout en brandissant la carte professionnelle, notre «interlocuteur» devient plus intraitable que jamais: «Journalistes ou pas, rebroussez chemin et laissez-nous travailler. Ce sont les instructions.» Qui a donné ces instructions? La réponse on ne l'aura qu'à Hydra où a été perpétré le second attentat. «C'est le wali d'Alger qui refuse d'autoriser la presse à accéder aux sites», indique un policier. Il faut rappeler, dans cette optique, que le même comportement a été affiché, avant-hier, par les forces de l'ordre à l'égard des journalistes. «Journalistes ou pas, je m'en fous de votre fonction, foutez-nous la paix, sale...», s'exclame un officier supérieur de la Sûreté nationale à l'égard des journalistes désirant transmettre à leurs lecteurs le maximum d'informations. Pourtant, et comble de la contradiction, interrogé dans ce sens, lors de la conférence de presse animée le soir même des deux attentats, le ministre de l'Intérieur a affirmé: «Je n'ai donné aucun ordre pour empêcher les journalistes de faire leur travail.»