On évoque des pannes fréquentes d'ordinateurs qui paralysent les services de la poste et pénalisent le citoyen. Les bureaux de poste renouent avec le récurrent phénomène de l'encombrement des guichets à la veille de l'Aïd. Au grand dam des citoyens qui doivent avoir des nerfs d'acier pour affronter une situation coutumière. Assurément, et au vu d'un tel spectacle, la poste va mal. Première banque du pays, cette dernière n'arrive pas à faire face aux flux de milliers de personnes qui s'y rendent afin d'empocher un pécule dont le goût finit par tourner à l'amer. D'aucuns donnent des explications à cette situation qui est devenue le lot des Algériens. A l'instar de Ahmed qui relève deux raisons sous-jacentes à cet état de fait. Selon lui, «deux problèmes sont à l'origine du calvaire de la poste»; primo une affluence massive et au même moment des abonnés aux chèques postaux. Une donnée qu'il faut, précise-t-il, absolument lier à l'armée de fonctionnaires, soit la masse la plus importante des salariés algériens. Secundo, poursuit-il, le manque flagrant et frustrant de liquidités qui mine les caisses de la poste. Notre interlocuteur explique que la population devrait disposer de moyens de paiement autrement plus softs en demeure de permettre de dépasser l'écueil des liquidités. D'après lui, du chemin reste encore à parcourir pour arriver à cette fin. Hakima, quant à elle, blouse blanche de son état, croit que c'est là un problème qui renseigne sur l'érosion du pouvoir d'achat du commun des Algériens, lesquels n'arrivent pas vraiment à épargner. Alors que de nouveaux besoins se font jour. Ce qui rend, selon elle, les pics de consommation plus difficiles à gérer et très contraignants. Quand ce ne sont pas les pannes d'ordinateurs et autres avaries techniques qui ne se mettent pas de la partie pour ajouter à l'incertitude des ménages. Dans un bureau de poste, Nadia, l'air affairé, fulmine. Elle tente d'effectuer un retrait de cinq mille dinars, en vain, depuis jeudi. Alors qu'elle tente une énième incursion dans les rangs de ses concitoyennes et concitoyens, nous prenons conscience de toute l'ampleur d'un mal que prennent avec patience des dizaines de quidams. Des chaînes de plus de trois heures font, pour l'instant, le principal décor de cette agence, où l'air devient vicié dès les premières heures de la matinée. Le même scénario est à prévoir dans toutes les succursales P et T de la capitale. Dans l'agence bondée de monde où nous nous trouvons, l'on évoque des pannes fréquentes d'ordinateurs qui paralysent durant des demi-journées entières le fonctionnement du service. Des vieilles personnes font le pied de grue dans l'espoir d'encaisser quelque misérable pécule. La procession de personnes, constituée de jeunes et moins jeunes, évolue lentement. Parmi ce public, on trouve des gendarmes qui ne dérogent pas à l'obligation de «la chaîne». Dissuadée, Nadia, en femme active, rebrousse chemin. Elle surseoit à son désir de retirer de l'argent. Car elle ne veut pas sacrifier toute une journée pour un hypothétique retrait de cinq mille dinars. Elle prend son mal en patience et décide de se rabattre sur une agence de la BNA où elle a le privilège de disposer d'un compte personnel. Elle juge cette solution bien moins stressante. En effet, dans nombre de bureaux de poste, il arrive que le scénario de la chaîne se poursuive jusqu'à dix huit heures. «Les jeudis, c'est pire ici!» nous dit un préposé à cet antenne de la poste. Il cite des disputes, de la «chaklala» et des bagarres à tout-va. Dans pareil endroit, et pour raison de sécurité, le confort des visiteurs est loin de figurer au menu des préoccupations des responsables. Ainsi, bien que les locaux de l'agence où nous sommes comportent deux accès, seule une ouverture est réservée à tous. Ce qui rend l'accès plus difficile et le confinement plus ressenti. «Le sésame de l'autre porte prévue par l'architecte est entre les mains des responsables», nous dit-on. Des femmes, accompagnées de leurs enfants, la mine défaite par un quotidien loin d'être toujours clément, emportent de maigres sommes qu'elles glissent précieusement dans leur porte-monnaie. D'autres, le visage crispé, renseignent sur le double attentat à l'explosif qui vient d'ébranler Alger et les esprits. Au fond de cet espace public, un portrait du président de la République donne l'impression de veiller sur les personnes présentes. Nous nous apprêtons à quitter cette agence postale où des cris d'enfants et des bruits de conversations raisonnent. Nous laissons derrière nous des femmes, avec un couffin vide à la main, ce qui en dit long sur un planning ménager des plus serrés à la veille d'un Aïd de tous les sacrifices. En attendant, le même scénario se rééditera chaque année et à chaque occasion, tant que la sempiternelle modernisation des banques, dont Algérie Poste, n'aura pas réellement lieu.