Les services de sécurité et de renseignements des pays du Maghreb seraient sur une piste qui s'avère être un vrai panier à crabes. Le bout du fil d'Ariane a-t-il été retrouvé? Les terroristes affiliés au groupe qu'on avait tendance à appeler «Al Qaîda Maghreb» semblent être dans de beaux draps, suite à une opération tous azimuts menée dans les pays du Maghreb, au lendemain des attentats d'Alger. En Algérie, une stratégie de «nettoyage» est adoptée pour les maquis, tandis que la «guérilla urbaine» est confrontée désormais à un dispositif plus musclé, appuyé par des enquêtes minutieuses menées aux fins de restituer le puzzle. En Tunisie, la locomotive judiciaire contre les terroristes ne grippe pas, tandis qu'au Maroc, la DST (Direction de la sécurité territoriale) semble être sur une piste qui s'avère être un vrai panier à crabes. Selon des éléments d'enquête fournis par la DST marocaine, rapportés par des médias du Royaume chérifien, un des réseaux d'Al Qaîda au Maghreb islamique, spécialisé dans le trafic d'armes, a été détecté, impliquant des Marocains, des Belges, des Algériens, des Tunisiens, des Mauritaniens et des Maliens. La tête de la locomotive est menée par un Marocain résidant au Mali. Ce dernier, dénommé Nouredine Al-Youbi, est chargé de recruter des Maghrébins pour faire transiter les armes au Royaume ainsi que pour le renforcement des effectifs aux centres d'entraînement situés au Mali et en Mauritanie. Le rapport des services secrets marocains établit que le chef terroriste Nouredine Al Youbi, installé dans un camp d'Al Qaîda au Mali, a eu des contacts avec Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussaâb Abdelouadoud, et a pu transférer des sommes d'argent vers le Maroc avec la complicité de Mauritaniens. Il faut dire que les contacts entre des cellules d'Al Qaîda au Maroc et le Gspc (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) ne datent pas d'aujourd'hui et ne sont un secret pour personne. D'où la nécessité d'accorder les violons pour une lutte commune contre les criminels d'Al Qaîda. La coopération entre les pays maghrébins existe certes, mais loin des projecteurs et des terrains officiels, avaient précisé des sources très au fait du dossier sécuritaire et qui avaient fait comprendre que c'est Interpol (International Criminal Police Organization) qui joue au coordinateur entre les services de sécurité algériens chargés de la lutte antiterroriste et la DCE, la DST et la Garde royale marocaine. Ce partenariat a permis de localiser plusieurs cellules d'Al Qaîda au Maroc, dont celle dirigée par Nouredine Al Youbi, et d'éliminer des éléments redoutables en Algérie. Le chef terroriste marocain, indique-t-on également, avait en tête le projet d'installer un camp d'entraînement dans la région de Taza. Les négociations entre Nouredine Al Youbi et Droukdel ont porté souvent sur «l'indispensable» concours de l'émir du Gspc dans le financement logistique des terroristes marocains. Cette hypothèse privilégiée par la DST marocaine vient, néanmoins, contredire d'autres versions selon lesquelles le Gspc était encouragé sur le plan logistique depuis le Maroc. Y a-t-il en fin de compte un intérêt de donnant-donnant entre les deux parties? Possible. Il y eut d'abord deux tentatives, avortées par les services de sécurité algériens, qui consistaient à «concrétiser» les connexions entre, d'un côté, la Salafia El Djihadia et le groupe d'El Hidjra wa Al-Takfir marocains, et de l'autre, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc). Cette «concrétisation» consistait à réunir des éléments des trois groupes terroristes dans les maquis algériens. Les nouveaux contacts entre Al Youbi et Droudkel ont, pour objectif cette fois-ci, outre le soutien logistique, la mise sur pied d'un camp d'entraînement à Taza (Maroc). Il reste à détecter un éventuel lien entre Al Youbi et Mokhtar Benmokhtar, un chef terroriste algérien, ex-n°1 de la zone 9 qu'on disait en rupture avec les armes et qui est également réfugié au nord du Mali. Car Mokhtar Benmokhtar avait, lui aussi, avant les attentats du 11 avril dernier, des contacts avec Droukdel pour les besoins de la fameuse rencontre dite «nationale» des chefs terroristes, mais avortée grâce à la vigilance des services de sécurité. A en croire les enquêteurs marocains, le redoutable Nouredine Al Youbi travaillait également avec un Belge, de nationalité turque, chargé de trouver un noeud qui servira de transit pour les armes. La toile de Nouredine Al Youbi a atteint le Vieux Continent, considéré comme une base arrière de soutien logistique aux terroristes marocains. Les Algériens du réseau d'Al Youbi étaient chargés, quant à eux, du trafic de la fausse monnaie sur la frontière algéro-marocaine, tandis qu'un Tunisien, installé à Nouakchott (Mauritanie), était appelé, lui aussi, à s'occuper de la falsification des documents devant faciliter l'accès de recrues marocaines au territoire mauritanien. Le but étant de prendre le chemin du Mali où sont installés les camps d'entraînement. C'est une véritable toile d'araignée! La tête pensante au Maroc a été désignée par Nouredine Al Youb comme émir sur la base d'un curriculum vitae «riche» pour un chef terroriste. L'émir marocain, répondant aux initiales M.H., était en contact en Libye, en 1994, avec Abou Hafs Al Mouritani et Abi Yasser Al Misri, respectivement mufti et membre de la commission dite «légale» de l'organisation terroriste d'Oussama Ben Laden, à en croire le rapport de la DST marocaine. La mission actuelle des services de renseignements des pays maghrébins est d'arriver à bout de la connexion des groupes terroristes et d'écarter le danger qu'ils représentent. Il est temps de passer à la vitesse supérieure.