18 ans après la chute du mur de Berlin, et 12 ans après l'ouverture de ses premières frontières occidentales, l'Europe de Schengen a brisé les derniers tabous. Les derniers vestiges du rideau de fer sont tombés hier, avec l'ouverture des frontières d'Europe centrale à la libre circulation de quelque 400 millions d'Européens, créant un espace Schengen de 24 pays s'étendant du cercle Arctique aux îles Canaries. A Zittau, bourgade de l'ex-Allemagne de l'Est, à la jonction de la Pologne et de la République tchèque, la chancelière allemande Angela Merkel, en compagnie des Premiers ministres polonais et tchèque, Donald Tusk et Mirek Topolanek, a célébré hier matin l'adhésion de ses voisins à l'espace de libre circulation, connu sous le nom d'espace Schengen. Soixante-deux ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et la division de l'Europe en deux blocs, 18 ans après la chute du mur de Berlin, et 12 ans après l'ouverture de ses premières frontières occidentales, l'Europe de Schengen a brisé les derniers tabous en s'ouvrant vers l'est et le sud à neuf pays, tous membres de l'Union européenne et pour la plupart anciens satellites soviétiques: Estonie, Lituanie, Lettonie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Hongrie, mais aussi île de Malte. En Allemagne, les contrôles sont tombés à minuit (23h00 GMT) tout au long de près de 1.100km de frontières, soit 646km partagés avec la République tchèque et 456km avec la Pologne, une des lignes les plus contestées et les plus douloureuses de l'histoire européenne. Les contrôles avaient cessé une heure plus tôt dans les pays baltes en raison du fuseau horaire différent. De somptueux feux d'artifice ont illuminé le ciel à différents postes frontières, à Berg-Petrzalka, entre l'Autriche et la Slovaquie, ou Zittau-Hradek nad Nisou, entre l'Allemagne et la République tchèque, où des foules de curieux s'étaient rassemblées malgré le froid glacial. Un peu partout en Europe centrale, des officiels ont scié des barrières avant de sabler le champagne, pour marquer cet événement perçu à l'Est comme l'ultime étape du démantèlement du rideau de fer stalinien. Il est maintenant possible d'aller par la route, par train ou par bateau de Narva à Lisbonne ou de Budapest à Brest sans présenter son passeport. En mars, les aéroports se mettront au diapason. Mais si les nouveaux membres se félicitent de l'adhésion, nombre de frontaliers à l'ouest, notamment en Autriche et en Allemagne, craignent une hausse de la criminalité. La presse allemande s'est d'ailleurs faite l'écho d'un boom commercial des systèmes d'alarme et portes blindées, tandis que le président du syndicat de police GdP, Josef Scheuring, avertissait jeudi que l'abolition des frontières, notamment germano-polonaises et germano-tchèques, «est d'après notre expérience une invitation lancée aux délinquants». Les détracteurs ont dénoncé certains points faibles de la coopération entre les polices aux frontières, comme par exemple le manque de compatibilité entre les systèmes de communications radio des polices allemande, polonaise et tchèque, tandis que d'autres mettaient en doute la capacité des nouveaux membres à assurer un contrôle efficace des nouvelles frontières externes de Schengen avec la Russie, le Bélarus, l'Ukraine, la Serbie et la Croatie. Le ministre de l'Intérieur allemand, Wolfgang Schaüble, qui a inauguré jeudi avec son homologue polonais Grzegorz Schetyna, un nouveau centre conjoint de police à Swiecko, sur la frontière, a affirmé qu'il n'y aurait en aucune façon «moins de sécurité». Le ministre des Affaires étrangères allemand Frank-Walter Steinmeier et son homologue tchèque Karel Schwarzenberg ont publié hier un article conjoint assurant que «ce jour marque le retour à la normalité en Europe, comme elle l'était à l'époque de Goethe et de Dvorak».