Ecrire, répéter puis mettre en scène, tout cela en l'espace de trois jours. Voilà une idée intéressante... Créé à «Gare au théâtre» (Vitry-sur-Seine) le principe du «bocal», puisque c'est de lui dont il s'agit, a lieu en France chaque trimestre depuis 1998. Sa règle de jeu est à la fois simple et excitante: une expérience d'écriture et de théâtre qui consiste en fait à enfermer des auteurs pendant 9 heures, afin de rédiger un texte autour d'un agitateur qui leur soumet les «contraintes d'écriture», à suivre. Ce texte une fois rédigé servira de support à une création théâtrale de courte durée, sa longueur ne devra pas dépasser les cinq feuillets manuscrits. En effet, une fois remis au metteur en scène, celui-ci après lecture du texte, se charge, en coordination avec ses comédiens, de le mettre en espace en vue de le présenter au public. Résultat: une pièce d'une durée de 15 à 20 minutes. L'année dernière, ce sont six auteurs algériens qui ont participé à ce bocal à savoir Hajar Bali, Mustapha Benfodil, Samira Negrouche, Younil, Jaoudet Gassouma et Mohamed Cherchal. Pour l'édition 2002, qui a débuté jeudi au siège des Editions Barzakh, deux des écrivains ont renouvelé cette année l'expérience. Il s'agit de Hajar Bali qui fut amené à décrire un objet (murs ou autre) qui lui fait face en 3 ou 4 lignes. Ces lignes doivent être insérées dans son texte. Quant à l'auteur de Zarta! Mustapha Benfodil a été conduit à construire son texte en sept chapitres, chacun devant comporter les mots suivants: silence, chaos, mater et répression. Son texte, il l'a intitulé: Ça va merder à l'Elysée... Ça promet! Les deux autres auteurs choisis par les Editions Barzakh sont Habib Ayyoub dont la contrainte a consisté à insérer dans le texte les mots: avion, chasse, bras de mer, orange, paravent en référence aux 5 piliers de l'Islam et Nadjet Taibouni, qui écrit notamment pour le théâtre et dont la contrainte relève de la mise en scène dans le sens où devront être placés sur la scène 4 accessoires: une coupe, une meïda, un gigot de viande lesquels devront figurer en didascalie, c'est-à-dire comme instruction, au sein du texte. A signaler que ces contraintes sont dictées à partir de la France. La particularité de ce bocal 2002 outre qu'il se déroule à Paris et à Alger, simultanément les 4, 5, 6 et 7 avril est son élargissement à d'autres villes: Rabat et Tunis. Cette année, le bocal à Alger, faut-il le préciser, est organisé par les Editions Barzakh en collaboration avec l'Institut national d'art dramatique, avec le soutien du Centre culturel français. Ce «laboratoire d'écriture» est animé par ailleurs par ces deux agitateurs notamment Isabelle Chipault de Paris et Sofiane Hadjadj d'Alger. Les metteurs en scène choisis pour illustrer les écritures de cette aventure littéro-théâtrale sont Mustapha Aouar, directeur artistique de Gare au théâtre et Nathalie Vevillet qui a déjà organisé 3 «bocal» dans sa région lyonnaise, un enseignant à l'Inad, un élève sortant de cette école et Fouzia Aït El Hadj. Le bocal sera l'occasion pour eux d'exercer librement leur métier. Un encouragement aussi pour la création théâtrale qui fait cruellement défaut dans notre pays. Rencontré vendredi au siège des Editions Barzakh, Aouar Mustapha et Vevillet Nathalie nous témoignèrent de leur joie toujours renouvelée à prendre part à cette superbe manifestation. Et de nous dévoiler leur sentiment de «bonheur» de voir naître cette complicité active lors de ces rencontres entre la famille des auteurs, des metteurs en scène et autres comédiens. «Le bocal» , «un moment privilégié», dira M.Aouar, qui «permet, durant trois jours, de se découvrir au-delà des mots» (...) «les auteurs sont amenés à écrire en décalé, à se décaler et donc à se découvrir par eux-mêmes.» Si le théâtre est l'artisanat à plusieurs, il contribue, selon lui «à réactiver ce désir de rencontre des uns avec les autres. Il permet enfin de toucher de près cette part de mystère de la création.» S'agissant des perspectives à venir pour le «bocal» M.Vevillet soulignera l'importance et la nécessité de s'ouvrir à d'autres formes d'expression artistique, notamment plastique et musicale mais également danse, photographie et cinéma. Au mois de juin, paraîtra l'intégralité des textes sous forme de livres. Un bocal sera organisé à Toulon auquel six auteurs algériens prendront part. En attendant, vous êtes tous conviés, ce soir à l'Inad de Bordj El-Kiffan pour assister à partir de 19 heures aux représentations publiques de ces créations théâtrales assurément originales!