En se faisant élire au Conseil de sécurité des Nations unies, la Libye assure son nouveau statut d'Etat fréquentable. Longtemps traitée en paria par les Occidentaux pour ses liens avec le terrorisme, la Libye s'est vu confirmer jeudi dernier son nouveau statut d'Etat fréquentable, avec une entrée remarquée au Conseil de sécurité de l'ONU et une visite ministérielle à Washington. Le chef de la diplomatie libyenne, Abdelrahmane Chalgam, s'est entretenu à Washington avec la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, première rencontre de ce type depuis 36 ans. Des responsables des deux pays ont ensuite signé un accord de coopération scientifique et technologique, qualifié par Washington de «geste important destiné à prendre en compte la renonciation historique de la Libye aux armes de destruction massive». La secrétaire d'Etat s'est félicitée de l'amélioration des relations entre les deux pays et a évoqué avec M.Chalgam la question des droits de l'Homme en Libye, selon le département d'Etat. Elle a réitéré le voeu, exprimé déjà le mois dernier, de se rendre à Tripoli au «moment opportun» pour marquer la normalisation entre les deux pays. Si cette visite se confirme, ce sera la première d'un secrétaire d'Etat américain en Libye depuis 1953. Rompues en 1981, les relations diplomatiques entre Washington et Tripoli avaient été rétablies en 2004, après l'annonce par le guide libyen Mouammar El Gueddafi que son pays renonçait à acquérir des armes de destruction massive. Elles ont été normalisées en 2006 avec le retrait de la Libye de la liste des Etats soutenant le terrorisme et l'échange d'ambassadeurs. Depuis, plusieurs pays européens comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et la France ont renoué des liens officiels avec Tripoli, en profitant généralement pour signer de juteux contrats commerciaux. Les retrouvailles franco-libyennes ont été particulièrement spectaculaires avec une visite très controversée en décembre à Paris de M. El Gueddafi, cinq mois après la libération de soignants bulgares détenus en Libye et dans laquelle le président français Nicolas Sarkozy était intervenu. En décembre, M.Sarkozy avait rejeté les critiques, expliquant qu'il fallait «parler à tout le monde» et encourager la marche de la Libye vers la «respectabilité», malgré son bilan désastreux en matière de droits de l'Homme. Signe de cette nouvelle respectabilité, la Libye avait été élue en octobre à l'un des sièges non permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, pour la période 2008-09. Présentant une candidature consensuelle au sein du groupe africain, elle avait été facilement élue par l'Assemblée générale, par 178 voix sur 190. Les Etats-Unis avaient auparavant indiqué qu'ils ne feraient pas campagne contre la candidature libyenne. La Libye avait siégé une seule fois au Conseil auparavant, en 1976-77. Son ambassadeur, Giadalla Ettalhi, s'est félicité jeudi dernier de cette élection. «Pour un pays qui a fait l'objet de sanctions du Conseil de sécurité pendant une décennie, c'est un résultat très significatif», a-t-il dit dans une conférence de presse. «Cela veut dire que nous sommes de retour à la normale, du moins du point de vue des autres», a-t-il ajouté. Le hasard a voulu que pour son premier mois au Conseil, la Libye en assume la présidence tournante. Celle-ci est attribuée à tour de rôle à chacun des quinze Etats membres, selon l'ordre alphabétique de leur nom en anglais. Ainsi, la Jamahiriya arabe libyenne (Libyan Arab Jamahiriya en anglais) s'est inscrite automatiquement derrière l'Italie, qui détenait la présidence en décembre. «C'est un défi mais nous allons faire de notre mieux», a dit M.Ettalhi à propos de cette responsabilité qui lui incombe d'emblée.