L'opposition a appelé à de nouvelles manifestations, interdites dans tout le pays à partir de demain. Le pouvoir et l'opposition kenyans sont restés hier sur une ligne excluant tout compromis, avant la convocation aujourd'hui du Parlement et le début d'une nouvelle médiation confiée à Kofi Annan, consécutive à l'échec des précédentes tentatives diplomatiques de dénouer la crise. Après les sanglantes violences qui ont ébranlé et paralysé le pays depuis la réélection fin décembre du président Mwai Kibaki, rejetée par le chef de l'opposition Raila Odinga, les enfants kenyans ont, eux, commencé à reprendre le chemin de l'école hier. Mais nombre de parents et d'élèves redoutaient que l'accalmie ne soit de courte durée au vu de l'agenda politique de la semaine. L'opposition a appelé à de nouvelles manifestations interdites dans tout le pays, à partir de demain. Et le président Kibaki doit ouvrir, aujourd'hui, la session du nouveau Parlement issu des élections générales contestées du 27 décembre. Ni la coalition présidentielle ni le Mouvement démocratique Orange (ODM) de M.Odinga n'ont pu s'assurer une majorité claire dans la nouvelle Assemblée, amenant les deux camps à courtiser les petits partis susceptibles de faire basculer l'orientation du Parlement. «On peut s'attendre à une épreuve de force majeure au Parlement, dominé par le népotisme et les vendettas», pronostiquait hier l'analyste politique kenyan Evans Manduku. L'ODM a déjà fait savoir que ses élus entendaient s'asseoir aujourd'hui à la séance d'ouverture sur les bancs réservés au gouvernement. C'est dans ce climat politique surchauffé que l'ancien secrétaire général de l'ONU doit débuter sa médiation. Le «Forum humanitaire mondial», fondation créée par M.Annan depuis qu'il a quitté fin 2006 ses fonctions aux Nations unies, a annoncé qu'il entamerait mardi sa mission au Kenya. La semaine dernière, M.Annan avait été désigné médiateur à la tête d'un groupe de «personnalités africaines éminentes» pour tenter de trouver une issue à la crise. Mais hier, le camp présidentiel a donné le ton sur les chances de réussite de cette médiation. «Si Kofi Annan vient, il ne vient pas à notre invitation», a affirmé le ministre kenyan des Routes et des Travaux publics, John Michuki. «Nous avons gagné les élections, donc nous ne voyons pas l'objet de la venue de quiconque pour une médiation sur un partage du pouvoir.» Le gouvernement kenyan juge inutile, depuis le début de la crise, un recours à une médiation internationale, tout en se disant prêt à accueillir toute personnalité favorisant un dialogue dans le pays. De son côté, Raila Odinga a rappelé dimanche ses exigences: «Les Kenyans ont parlé pour le changement, les Kenyans veulent du changement et ils auront du changement». Officiellement, le chef de l'Etat a remporté l'élection, devançant M.Odinga d'à peine plus de 230.000 voix, mais l'ODM a crié à la fraude et les observateurs internationaux ont émis de sérieux doutes sur le dépouillement. Quelque 700 personnes ont été tuées dans des violences pendant les jours qui ont suivi l'annonce du résultat. La crise a également provoqué le déplacement de plus de 255.000 personnes. Face à l'impasse politique, nombre de Kenyans redoutent une nouvelle vague de violences lors des manifestations prévues par l'opposition dans tout le pays à partir de mercredi, malgré l'interdiction des rassemblements décrétée par la police.