Les relations algéro-onusiennes risquent de traverser une période de froid après la décision controversée de Ban Ki-moon. En instituant une «commission indépendante» pour enquêter sur les attentats du 11 décembre à Alger contre les représentations du Pnud et du HCR (organismes spécialisés des Nations unies à Hydra) à Alger Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, vient de créer un précédent, d'autant que cette décision a été prise sans consultation avec les autorités algériennes. C'est essentiellement le grief qui est fait à l'ONU après l'annonce de cette mesure. Le premier à réagir a été le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem qui, en marge du forum sur l'Alliance des civilisations qui se tient à Madrid, a dénoncé cette mesure, indiquant que celle-ci «ne peut être accueillie favorablement, car l'Algérie fait son devoir au sujet de cette question». M.Belkhadem relève aussi que «l'ambassadeur d'Algérie auprès de l'ONU n'a pas été consulté et l'avis de l'Algérie n'a pas été pris» soulignant que les «règles n'ont pas été du tout respectées». Il y a donc, quelque part, problème dès lors que l'ONU n'a pas jugé utile de prendre attache avec l'Algérie sur son éventuelle participation, ou droit de regard, dans l'enquête menée par les services de sécurité algériens. Dès lors, Alger dénonce d'abord la manière unilatérale avec laquelle le secrétaire général de l'ONU a cru devoir faire appel à des «experts» internationaux pour enquêter sur les attentats d'Alger. Selon la porte-parole de M.Ban, Michèle Montas, la commission d'enquête sera composée «d'experts internationaux» ne travaillant pas pour le système des Nations unies et cherchera une coopération totale des autorités algériennes. Sa composition et sa mission détaillée seront annoncées prochainement, a-t-elle ajouté. Michèle Montas a précisé, d'autre part, que le rapport préliminaire reçu par Ban Ki-moon, réalisé par le sous-secrétaire général à la Sécurité, David Veness, «ne serait pas rendu public». Il a été également indiqué que les enquêteurs chercheront «une coopération totale» avec les autorités algériennes. Comment donc, l'ONU veut-elle coopérer avec Alger alors qu'elle n'a pas estimé nécessaire de la consulter avant d'instaurer une telle commission d'enquête? Nonobstant les problèmes qui sont ceux de l'Algérie, ses manques, voire ses dérives, ce pays est-il devenu un non-Etat, au point que l'on décide à sa place du bien-fondé d'une enquête externe sur son territoire? Il n'y a, en tout état de cause, aucune commune mesure avec ce qui s'est passé au Liban où c'est le gouvernement en place (dirigé par Fouad Siniora) qui demanda officiellement à l'ONU une enquête internationale indépendante pour élucider l'assassinat de l'ex-Premier ministre, Rafic Hariri. Aucune similitude non plus ne peut être trouvée entre l'attentat d'Alger et celui de Baghdad, en août 2003, qui coûta la vie à Sergio Vieira de Mello, représentant de l'ONU en Irak, pays (toujours) sous occupation étrangère et dont les institutions gouvernementales, notamment sécuritaires, avaient été alors démantelées par le pro-consul américain, Paul Bremer. Dans tous les cas de figure, la décision du secrétaire général de l'ONU ne s'explique pas, d'autant plus qu'il n'est pas précisé si la commission désignée va procéder à une enquête interne à l'ONU destinée à relever les défaillances et failles dans les mesures de sécurité prises pour protéger les services de l'ONU à Alger, ou si les experts vont, plus largement, enquêter (aussi) sur les attentats du 11 décembre, notamment celui qui a visé le Pnud et le HCR à Hydra. Dans le premier cas de figure -enquête interne-, il est patent que l'Algérie donnera toute l'aide possible pour faciliter la mission des enquêteurs onusiens. En revanche, si les envoyés de l'ONU viennent à Alger pour s'enquérir des attentats sus-mentionnés, on ne voit pas dans quel cadre et sous quels accords bilatéraux ou statut, une telle investigation peut intervenir, surtout que l'ONU n'a pas cru utile de consulter Alger ou les services compétents algériens, notamment l'ambassadeur d'Algérie auprès des Nations unies. Cette affaire suscite, d'ores et déjà, beaucoup de questionnements d'autant plus que l'ONU n'a pas bougé le petit doigt durant les années de feu lors desquelles l'Algérie fit face, seule, au terrorisme islamiste qui, déjà, avait des ramifications internationales patentes, mais dont l'aspect de sa nuisance n'a été pris en compte qu'après le 11 septembre 2001.