Vingt-trois brigades ont, à ce jour, quitté la Kabylie, seize à Tizi Ouzou et sept à Béjaïa. Les seize de la wilaya de Tizi Ouzou ont concerné les brigades de Maâtkas, de Beni Douala, la compagnie et la brigade de Azazga et le groupement, la compagnie et la brigade de Tizi Ouzou, toutes redéployées le 23 mars. Les brigades de Bouzguène, Tizi Rached, Boudjima, Boghni et Larbaâ Nath Irathen ont quitté leurs locaux entre le 1er et le 2 avril. Enfin, celle de Iferhounène, le 4, Mekla, le 7 et Makouda, le 9 avril. Quant au redéploiement des brigades de gendarmerie dans la wilaya de Béjaïa, il a concerné celles de Ouzelaguène, Chemini et Seddouk, toutes redéployées le 24 mars, la compagnie et la brigade d'El-Kseur, le 31 mars, celle d'Ighil Ali, le 4 avril et, enfin, de Berbacha, le 5 avril. Ces 23 brigades de gendarmerie représentent pratiquement quelque 35% de l'ensemble des brigades présentes sur l'ensemble de la Kabylie. Pour les autres brigades, on ne sait rien encore. La pression des émeutiers va-t-elle déterminer le maintien sur place ou le départ précipitée de ces brigades dans le cadre du «redéploiement»? Rien n'est moins sûr, si l'on prend en ligne de compte les sous-entendus très chargés qui ont émaillé le communiqué de la DGGN, rédigé, il y a deux semaines, et faisant état d'un «redéploiement» entrant dans le cadre de la «politique d'apaisement» et délimitant les contours, les prérogatives et le champ d'action des brigades de gendarmerie. Outre le rôle de la police judiciaire chargée de la protection des biens et des personnes, la GN insiste sur son rôle contre le crime organisé, le racket, l'atteinte à l'environnement et le terrorisme «sévissant encore dans la région». Ces mesures, lit-on dans le communiqué, font partie d'«un plan de redéploiement» qui «définit une nouvelle carte sécuritaire». Or, à ce jour, ni les contours ni les sous-entendus de ce redéploiement ne sont connus. La nouvelle carte sécuritaire, dont la GN semble être partie prenante, obéit-elle à une situation conjoncturelle ou alors est-elle définitive? Selon toute vraisemblance, les champs d'action et les prérogatives constitutionnelles de ce corps d'armée demeurent inchangés, bien que le déplacement de certaines brigades ait pu prêter à une lecture restrictive ou carrément réductrice. Ou tout le problème semble posé à ce niveau de sémantique «redéploiement», «déplacement», «délocalisation», etc. selon l'appréciation des uns et des autres. En fait, même le «repli» de certaines brigades hors des agglomérations urbaines et leur redéploiement, notamment à la périphérie des villes, ne remet en cause ni leur rôle constitutionnelle ni leur champ d'action et d'investigation. Ce qui paraît plus comme étant un recul constitutionnel n'est, en fait, qu'un «deal sécuritaire» qui semble être pris de concert avec les autres corps de sécurité, certains d'entre eux avançant, certains autres reculant, suivant les «fluctuations du marché» - pour reprendre une terminologie économique pure. C'est donc de ce cadre précis qu'entre le redéploiement de la gendarmerie, qui a été au centre des émeutes de la Kabylie. Mal commentées, mal appréhendées, parce que confuses et qui restent à élucider, ces émeutes ont poussé à la nouvelle carte sécuritaire dont semble s'investir la gendarmerie aujourd'hui. Or ni leur départ, ni la mutation qui, en son temps, a touché quelque 630 officiers et subalternes, ni la traduction devant la justice des éléments incriminés lors des troubles qui ont éclaté le 20 avril 2001 n'ont ramené le calme en Kabylie. En fait, il y a des interrogations à profusion et à longueur de ligne, dans un contexte où ce «deal sécuritaire» est défini comme une réponse aux directives d'apaisement prononcées par le Président de la République lors de son discours du 12 mars 2002 et à un accord établi avec les autres corps de sécurité.