Les mises en demeure ont été certes gelées, mais les commerçants persistent: la décision a été prise dans la précipitation. Appréhension, incompréhension et tergiversations. Les propriétaires de dépôts de vente de matériaux de construction exerçant dans l'Algérois, ne savent plus quel sens donner à la décision émanant de la direction du commerce de la wilaya d'Alger. Laquelle décision interdit l'ouverture de dépôts de vente de matériaux de construction jouxtant les routes, les autoroutes, les routes nationales et les voies urbaines ainsi que sur les terres agricoles et les zones forestières, urbaines ou près des aéroports. Du coup, ces commerçants sont sommés de délocaliser leurs dépôts. «Je ne sais pas d'où tombe cette décision, ni comment elle est venue» déplore Ben M'hamed El Djemaï. Pour ce vendeur de matériaux de construction à l'entrée ouest de Chéraga, «la mise en demeure qui nous a été envoyée par la wilaya d'Alger, et transmise par la Gendarmerie nationale, samedi dernier, nous a franchement mis dans l'expectative. Où veulent-ils qu'on aille?» se demande El Djemaï. Celui-ci précise avoir occupé les lieux pendant cinq ans, en tant que locataire. «J'ai tissé des relations avec des clients potentiels, et si je quitte les lieux, c'est tout mon commerce qui est menacé. Et Dieu sait combien il est difficile de gagner la confiance de la clientèle lorsqu'on débarque dans une région donnée» lâche notre interlocuteur. El Djemaï ne cache pas sa crainte, non seulement la sienne, mais également celle de ses concitoyens qui paieront plus cher les matériaux de construction. «Si on nous déloge de ces lieux vers d'autres zones, ce sera le citoyen qui paiera la marchandise plus chère, puisqu'il ne faut pas oublier que plus la zone de la vente des matériaux est éloignée, plus les frais du transport augmentent» estime notre interlocuteur. Son voisin, commerçant spécialisé dans la vente des matériaux en marbre, est sur la même longueur d'onde que lui. «La décision est prise dans la précipitation» souligne Ali. Quelques instants de silence, Ali soupire, en fixant le sol, et poursuit: «Ce que nous craignons le plus, ce n'est pas tant la délocalisation de nos commerces mais plutôt le nouveau lieu que la wilaya nous aménagera». Notre interlocuteur sait de quoi il parle. «Des rumeurs circulent faisant état d'une zone de vente de matériaux de construction à Magtaâ Kheira, à Kolea, dans la wilaya de Tipaza» lance Ali. «Il faut, dans ce cas-là, qu'on nous assure la sécurité. Déjà ici à Chéraga, on est mal protégés. Plusieurs propriétaires ont été agressés et d'autres délestés de leur bien» signale-t-il. Il fait quelques pas, et s'arrête devant une sorte de cage en métal, de couleur bleu faisant office de bureau. «Vous voyez, nous sommes obligés de construire une "cage" au lieu d'avoir un bureau "respectable". Et même de cette façon, on ne peut pas se protéger, parce que lorsqu'on vous met une arme sur la tempe, il faut obéir. L'argent, je peux le récupérer tandis que ma vie...» ajoute notre interlocuteur. La situation est délicate pour ces commerçants. Ils estiment, à l'unanimité, que les responsables de la wilaya d'Alger se sont trop empressés dans leur décision. A juste titre d'ailleurs, car, jusqu'à présent, aucune zone n'est aménagée pour servir de dépôts de vente de matériaux de construction. C'est, justement, pour cette raison que la direction du commerce de la wilaya d'Alger a annulé les mises en demeure enjoignant les vendeurs de matériaux de construction de cesser leur activité. Les commerçants que nous avons rencontrés, hier à l'entrée ouest de Chéraga, s'insurgent à propos de l'argument avancé par les autorités, à savoir «la lutte contre la pollution et la régulation de l'activité». «Il s'agit plutôt d'un prétexte que d'une cause valable» estime Boualem, spécialisé dans la confection et la commercialisation des ornements en plâtre. «Il s'agit d'un prétexte, parce que, si l'on veut réellement protéger l'environnement, il faudra voir avec l'usine de plastique d'à côté d'où émane des gaz carboniques asphyxiants, notamment le soir. Il faudra également voir l'usine de céramique, en haut, d'où provient une poussière suffocante» s'insurge Kamel, visiblement las des tracasseries des responsables locaux. «C'est une décision arbitraire que celle de nous déloger des lieux que nous occupons. C'est une affaire de tchipa, pas plus» se rebelle Kamel. Selon Nacereddine Souakri, représentant de la direction du commerce de la wilaya d'Alger, «il existe 6700 commerçants de matériaux de construction dont 1200 qui vendent des produits polluants tels le ciment, le fer, le sable et le gravier». M.Souakri a indiqué qu'une commission examinera cas par cas, ces commerces. Une autre commission sera créée pour examiner la possibilité d'aménagement de nouveaux espaces afin d'y transférer les commerçants concernés, au niveau des différentes circonscriptions administratives.