Le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs revient dans cet entretien sur la polémique qui l'oppose à son ex-conseiller chargé de la communication. Ghlamallah nie catégoriquement les accusations portées contre lui, tout en écartant la thèse du complot. Notre interlocuteur se dit prêt à se mettre à la disposition de la justice algérienne si elle décide de diligenter une enquête. Enfin, pour la premier fois, le ministre révèle les défaillances enregistrées par l'Inspection générale des finances (IGF) concernant la gestion du dossier du Hadj. L'Expression: L'ex-conseiller chargé de la communication au ministère des Affaires religieuses et des Wakfs a rendu publique, mercredi, une lettre dans laquelle il révèle de graves dépassements au sein de votre département. Il vous cite nominativement comme responsable dans le détournement d'une partie du fonds de la Zakat et ce, à des fins personnelles. La gestion douteuse de ce fonds serait, selon le document, à l'origine du retard affiché dans la concrétisation de certains projets, citant la Grande Mosquée d'Alger et Dar El Ftawâ. La liste des griefs est longue. Qu'avez-vous à répondre? Bouabdellah Ghlamallah: Je tiens tout d'abord à affirmer que le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs a eu connaissance de cette lettre, comme tous les Algériens, par le biais de la presse. Ce qui m'amène à douter de son authenticité. J'ai quand même fait l'effort de lire ce document attentivement. Permettez-moi de vous dire, et ça va peut-être vous surprendre, que j'en ai tiré beaucoup de points positifs. Le rédacteur de la lettre censée atterrir sur la table du Président, reconnaît, sciemment ou inconsciemment, que le ministère fait un travail acharné sur plusieurs fronts, qu'il existe un dynamisme réel dans le secteur. Est-ce un tort? Permettez-nous, Monsieur le Ministre, d'évoquer quelques passages de la lettre de votre ex-conseiller dont L'Expression a eu une copie. M.Abdellah Temine souligne que l'exclusion est devenue une pratique courante dans votre administration, que l'argent des oeuvres sociales échappe au contrôle, que les voitures de service sont mises à la disposition des familles des cadres du ministère, que le fonds de la Zakat est mal géré. M. le ministre aurait acheté, selon lui, un 4x4 avec l'argent qui devait revenir aux mausolées. Il affirme que l'IGF a brossé un tableau noir de la gestion de votre secteur. Commençons par ce dernier point. Pouvez-vous nous révéler aujourd'hui les résultats de l'enquête menée par l'IGF en 2007 au niveau de votre institution? Je suis tenu normalement par le droit de réserve, mais vu le cours des événements, je vais évoquer, pour la première fois, les résultats de l'enquête. Effectivement, l'IGF a énuméré un certain nombre de défaillances, ce qui est, à mon avis, normal. Il n' y a pas une administration en Algérie qui fonctionne parfaitement. Les dysfonctionnements existent. L'erreur serait de les occulter ou de les nier... Quelle est la nature de ces dysfonctionnements? Elle concerne dans leur globalité la gestion du dossier du Hadj. L'inspection générale des finances (IGF) a fait remarquer que la Commission nationale chargée de l'organisation du Hadj n'a aucun fondement juridique. Une lacune que nous avons rattrapée avec la création du nouvel office devant prendre en charge la gestion permanente de l'opération «Hadj». La deuxième remarque concerne la délégation officielle qui accompagne les hadjis. L'IGF pense que le choix de certaines personnes n'est pas justifié et que d'autres sont prioritaires. Sur ce point, j'ai ma propre opinion. Seul le ministre est en mesure de désigner les membres de cette délégation selon des critères arrêtés. Ni l'IGF ni une quelque autre autorité n'est habilitée à s'immiscer dans cette opération. Enfin, des remarques ont été faites sur les comptes du Hadj. Les experts de l'IGF ont signalé une petite différence estimée à 34.000DA, ce qui est insignifiant. Le ministère a adressé une correspondance à l'IGF dans laquelle il répond aux remarques des experts. On attend le rapport final de l'IGF. Le Conseil interministériel tenu le 3 février a relevé, pour sa part, certaines insuffisances dans le dispositif organisationnel de l'opération du pèlerinage... Les rapports présentés lors de ce conseil ont mis en exergue les efforts consacrés dans la préparation et le déroulement de cette campagne. Les insuffisances sont dues, surtout, au fait que certains hadjis pensent que le pèlerinage est une visite touristique. Ces gens doivent savoir que ce n'est pas le cas. Les conditions y sont parfois très difficiles. L'opération est particulièrement complexe. Ce sont des situations qui nous dépassent. Comptez-vous saisir la justice contre votre ex-conseiller? Non, je n'ai aucunement l'intention de le faire. Mais j'affirme que je suis à la disposition de la justice algérienne si une enquête est diligentée sur ce dossier. La polémique a pris de l'ampleur. La question a-t-elle été abordée au niveau du gouvernement? Absolument pas. D'ailleurs, je n'ai été convoqué ni par le président de la République ni par le chef du gouvernement. Pourquoi voulez-vous qu'on me saisisse. Les informations rapportées par la presse et les accusations portées contre ma personne et mes proches collaborateurs sont dénuées de tout fondement. Mon ministère est sous le contrôle des institutions officielles, lesquelles auraient certainement agi en cas de dysfonctionnement. Aucune personne intègre n'est en mesure de croire ces accusations, sauf s'il y a une volonté délibérée de manipuler l'opinion publique. Optez-vous pour cette thèse? Honnêtement non. Je ne doute de personne, même pas de M.Temine. Peut-on savoir, M. le ministre, pourquoi avez-vous pris la décision de vous séparer de votre conseiller à la communication? Je tiens à préciser que c'est moi qui avais proposé en 2002 M.Temine à ce poste. Je n'ai aucun lien familial avec lui. Je ne le connaissais pas avant cette date. Je l'avais jugé selon ses compétences. Cinq ans après, c'est moi aussi qui ai proposé de mettre fin à ses fonctions au ministère. La décision a été prise au mois d' octobre. La demande a été acceptée et un décret présidentiel a appuyé cet avis. Concernant les raisons je préfère ne pas les divulguer. Paradoxalement, M.Temine n'a décidé d'agir que quatre mois après? Il a réagi le jour même où il a été informé de son départ. Le président du Haut conseil islamique, Cheikh Bouamrane, a déclaré que certains terroristes ont profité du fonds de la Zakat. Il a contesté, par ailleurs, l'usage du fonds dans la création de microentreprises. L'argent doit être réservé exclusivement aux pauvres selon lui. Que pensez-vous? Concernant la première déclaration, je tiens à la démentir formellement. Le fonds de la Zakat ne finance pas les terroristes. Quant à l'usage du fonds, les avis divergent. Le Haut conseil islamique pense qu'il ne faut pas financer l'investissement, c'est son avis et, en aucun, cas il ne pourra l'imposer. D'autres muftis défendent le contraire. Nous estimons avoir pris la bonne décision. Les microentreprises ont permis la création d'emplois; ce sont des bouées de sauvetage pour des centaines de chômeurs. Cela ne pourra que nous réconforter. Je précise que les procédures utilisées sont appliquées d'une manière transparente. La liste des bénéficiaires prend en considération les familles qui bénéficient de la Zakat El Fitr. Cette liste est établie par les associations du quartier en coordination avec l'Imam de la mosquée. Le ministère fait un travail d'intermédiaire entre les donateurs et les bénéficiaires qui reçoivent des chèques postaux pour éviter tout détournement. De combien dispose le Fonds aujourd'hui? Le Fonds dispose de 50 milliards. Ce chiffre est appelé à être revu parce qu'il est alimenté régulièrement. L'ambassade des Etats-Unis en Algérie s'intéresse à ce fonds. Peut-on savoir pourquoi? Cet intérêt a-t-il un lien avec le financement des réseaux terroristes? Effectivement, la représentation diplomatique en Algérie s'est intéressée à la gestion de ce fonds. J'ai eu à aborder personnellement ce dossier dans une rencontre avec l'ambassadeur américain. La question de l'évangélisation en Algérie inquiète. La tendance va vers la focalisation sur une région précise qui est la Kabyle. Peut-on savoir la raison et puis que fait votre ministère pour contrer ces pratiques? Contrairement aux informations rapportées par la presse, l'évangélisation ne se limite pas à une seule région. La campagne est menée dans plusieurs wilayas. Des cas ont été constatés à Oran, Constantine, Annaba. Il est vrai que la campagne est accentuée au niveau de la Kabylie pour des raisons politiques. Les gens qui sont derrière cette campagne appartiennent à l'opposition. Ils la mènent en signe d'opposition au pouvoir. Je citerais entre autres les membres de l'ex-MCB. Mais le risque est grand. Personne ne leur a ôté le droit d'exprimer librement leurs opinions, pourquoi a-t-on recours à cette méthode qui risque de diviser le pays? Nous sommes une République musulmane et démocratique ouverte au débat d'idées. J'assimile l'évangélisation au terrorisme. La campagne va durer 100 ans, 200 ans, elle fera mal, mais elle finira par s'essouffler. Que fait votre département pour contrer cette campagne? Le combat n'est pas l'apanage du ministère des Affaires religieuses, mais celui de toutes les associations et les partis politiques. Sur ce plan, je pense que nous sommes tous défaillants. Le ministère opte pour le travail de proximité. Une campagne sera prochainement lancée au niveau des établissement scolaires.