Entre 2005 et 2007, plusieurs tonnes de cannabis ont été saisies: 9, 10 et 16,5 tonnes. Alerte rouge: le fléau de la drogue a pris de l'ampleur. En l'espace de quelques années, l'Algérie s'est retrouvée dans une situation d'urgence. Comment expliquer cela? Les causes en sont multiples. Abdelmalek Sayah, directeur général de l'Office national de la lutte contre la drogue, décortique le sujet en question. D'emblée, l'invité de la rubrique «A coeur ouvert», avec L'Expression, annonce que «l'Algérie n'est pas un pays producteur de drogue». Il s'explique: «Notre pays a toujours été une zone de transit. Aujourd'hui, l'Algérie est devenue une cible des réseaux de narcotrafiquants». Plus explicite, il ajoute: «La position de voisinage avec le premier pays producteur de cannabis dans le monde, expose l'Algérie à une menace permanente et croissante». M.Sayah avoue qu'un pays voisin produit plus de 60% de cannabis destinés à la commercialisation dans le monde. C'est pour cette raison que les quantités de drogue commercialisées ou consommées en Algérie proviennent des frontières ouest. «Nous savons bien qu'il existe aussi des filières colombiennes, africaines qui cherchent à avoir un pied en Algérie pour créer un couloir d'acheminement de la drogue vers le Vieux Continent», a-t-il ajouté. Le deuxième facteur évoqué par l'invité de L'Expression est lié à la période d'insécurité qu'a connue le pays. «L'Algérie a traversé une période qui a favorisé l'extension de la drogue. Lors de la tragédie nationale, les services de sécurité étaient beaucoup plus occupés par la lutte contre le terrorisme», a-t-il analysé. Et d'enchaîner que les narcotrafiquants avaient su comment exploiter cette conjoncture pour faire passer la drogue, notamment en provenance des frontières ouest du pays. Le malheur arrive aussi, aux yeux de M.Sayah, de quelques pays africains qui produisent de l'opium et qui commercialisent du cannabis. «Comme je viens de le souligner, l'Algérie a servi de zone de transit pour le passage de la drogue des pays africains vers les pays européens.» C'est ce qui a fait augmenter la quantité de cannabis saisi durant ces dernières années. Malheureusement, les chiffres vont crescendo. «9 tonnes de cannabis ont été saisies en 2005. Une année plus tard, on a saisi 10 tonnes. En 2007, les différents services de lutte en avaient saisi 16,5 tonnes». Ce n'est pas tout. Ces chiffres ne reflètent pas la réalité des quantités transitées, commercialisées ou consommées. «Ces statistiques ne représentent que 10 à 15% de la quantité en circulation sur le territoire national», a-t-il indiqué. S'agissant de la consommation de cocaïne, M.Sayah affirme que «l'Algérien n'est pas un consommateur de cocaïne». S'agissant du phénomène de la culture de cannabis et d'opium, la même source déclare que «quelques régions du pays sont connues par la culture de cette plante à consommation locale». Il cite les 75.000 plants découverts à Adrar, ainsi que les 25.000 autres détruits à Béjaïa, Tizi Ouzou, N'gaous, Tipaza et quelques wilayas de l'intérieur. M.Sayah explique le recours à la culture du cannabis dans ces régions: «Face à la pression exercée par les forces de sécurité qui ont resserré l'étau sur les réseaux de trafic et d'acheminement de la drogue vers l'Algérie, quelques réseaux locaux se sont tournés vers la production locale.» Le même interlocuteur fait observer, par ailleurs, «le contrôle rigoureux des services de sécurité a poussé, également, les narcotrafiquants à opter pour la commercialisation de la cocaïne». Dans le même contexte, le directeur général de l'Office national de la lutte contre la drogue a dévoilé que les services de sécurité avaient saisi, en 2007, «22kg de cocaïne». En comparaison, en 2006 «on a saisi 7,5kg de cocaïne». Consciente de la dimension transnationale et de l'ampleur que prend ce phénomène, l'Algérie coordonne et coopère avec d'autres pays pour éradiquer cette calamité. «L'Algérie a ratifié des conventions de coopération internationales pour lutter contre ce fléau avec les pays africains, européens et même avec Interpol. Nous sommes membres de l'ONU, dans sa filiale de lutte contre la drogue et le crime organisé. L'Algérie a signé des conventions à l'échelle mondiale», a-t-il fait savoir. Et d'enchaîner: «Le président de la République est conscient de cette situation. C'est pour cela qu'il s'est engagé à éradiquer ce fléau.» Dans le même contexte et à titre informatif, le volume de la drogue qui circule dans le monde est estimé à 800 milliards de dollars.