Caracas a vécu, ce dernier week-end, des moments singuliers après le coup d'Etat avorté de jeudi. Singuliers dans la mesure où le pays aura changé, en quelques heures, trois fois de président ! Ainsi, le coup de poker de Pedro Carmona, patron des patrons, qui a fait déposer, par l'armée, le président Hugo Chavez, a finalement tourné court. Hier, en fin de matinée, une seule certitude dans la cascade d'événements qui ont marqué la capitale vénézuélienne ces dernières heures, le retour du président déchu Hugo Chavez. Un retournement de situation qui met en échec le coup de force tenté par quelques officiers supérieurs de l'armée qui ont donné l'impression de s'être laissés suborner par un patron des patrons dont l'ambition de pouvoir s'est révélée par les décisions qu'il a prises une fois installé à la tête d'un gouvernement transitoire. Le coup de force a échoué autant grâce à la détermination des partisans du président Chavez Frias, que par les réserves émises par la communauté internationale, à l'exception, notable et remarquée, de Washington qui apporta son soutien aux putschistes, en faisant endosser au président Chavez la dégradation de la situation au Venezuela. A l'origine de cette cascade d'événements, la grève, illimitée, décrétée par les cadres de la puissante compagnie pétrolière du Venezuela, PDV-SA, l'une des plus importantes du monde. La grève a eu des répercussions négatives sur un secteur très sensible de l'économie du pays. Les manifestations organisées, jeudi, par l'opposition tournèrent à l'émeute, et se sont soldées par la mort de onze manifestants et des blessures, plus ou moins graves, pour cent autres. C'est dans ce contexte, que dans la nuit de jeudi à vendredi, l'armée obtient, selon un communiqué de l'état-major, la démission du président Hugo Chavez. Démission démentie le lendemain, vendredi, par un ministre du gouvernement Chavez, lequel affirme que Hugo Chavez, qui avait refusé de démissionner, a été arrêté et conduit sous escorte au fort Tiuna de la base militaire de Caracas. Dès sa prise de fonction, le patron des patrons, Pedro Carmona, l'un des meneurs de l'offensive contre le président déchu, s'autoproclame président et instaure un gouvernement transitoire. Dans la foulée, le gouvernement transitoire décrète la «réorganisation des pouvoirs publics» et prend des décisions drastiques notamment par la dissolution de l'Assemblée nationale, la destitution de tous les magistrats de la Cour suprême, la révocation de 49 décrets-lois promulgués l'année dernière. Par la dissolution des trois pouvoirs: exécutif, législatif et judiciaire, piliers de l'Etat, le nouvel homme fort du pays voulait frapper fort. Mais ces décisions, outre d'être dénoncées par la commission interaméricaine des droits de l'Homme, ont suscité les réserves de l'Organisation des Etats américains (OEA) dont les statuts condamnent les prises de pouvoirs par la force. A Caracas, les partisans du président Hugo Chavez reprennent l'initiative et occupent, samedi soir, le Palais présidentiel de la Miraflores, alors qu'une partie importante de l'armée refuse de suivre le nouveau pouvoir, lequel, très rapidement, se retrouve minoritaire. Le président autoproclamé, Pedro Carmona se réfugie au fort Tiuna, alors que le président Hugo Chavez, transféré par les putschistes dans l'île de la Orchila, est ramené par ses partisans à Caracas et rétabli dans ses fonctions. Durant ces folles 48 heures, qui ont vu le pouvoir changer trois fois de main au Venezuela, l'un des principaux producteurs de pétrole et membre influent de l'Opep, les cours du Brent ont joué au yo-yo et la Bourse et l'Opep accrochées au développement de la situation à Caracas. Le retour aux affaires du président Hugo Chavez met un terme au plus «original» coup d'Etat de ce dernier quart de siècle.