Le nouveau dirigeant est un opposant acharné à l'Organisation. Assistera-t-on à une flambée telle que celle de la guerre du Golfe ou à un plongeon des cours? Les deux options restent possibles et l'Algérie, membre actif de l'Opep, est au centre de cette turbulence, dans le sens où elle est appelée à jouer un rôle prépondérant dans la cohésion de cette organisation. Une mission que les observateurs politiques qualifient de très difficile dans la mesure où l'Algérie vient de perdre un allié de taille, le Venezuela, avec qui elle a toujours milité pour la non-politisation des positions de l'Opep. Ces observateurs estiment également que la dernière position du ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, par rapport à l'embargo irakien est trop décalée des réalités internationales, pour qu'il puisse aujourd'hui rétablir un éventuel déséquilibre au sein de l'Opep. Ils lui reprochent notamment sa déclaration de ne pas utiliser l'arme du pétrole, comme si les pays arabes en ont d'autres et au moment où les Occidentaux et les Américains font du pétrole et du gaz une sérieuse affaire de stratégie, de lobbying et de domination. En tout état de cause, la fièvre a gagné les pays exportateurs, les consommateurs et les spécialistes. Si la destitution du président vénézuélien Hugo Chavez a mis fin à un mouvement de grève qui a perturbé la production des raffineries et réduit les exportations de brut, elle renforce, en revanche, les incertitudes sur les prix de pétrole. La Fadecamaras, qui est le syndicat patronal installé au pouvoir par l'armée et dont le patron Pedro Carmona est désormais chef du gouvernement, menace sérieusement la cohésion de l'Opep dont Caracas est l'un des principaux piliers. En effet, Pedro Carmona est l'opposant le plus acharné de l'Opep. Déjà en 1960, quelques mois après la création de cette Organisation, la Fadecamoras prônait le retrait du Venezuela de l'Opep. Alors que le prix du brent est orienté à la baisse ces deux derniers jours, certains économistes déclarent que cette situation peut engendrer une hausse des prix qui, à 30 dollars, serait préjudiciable à la reprise économique. En outre, le secrétaire général de l'Opep, le Vénézuélien Ali Rodriguez proche de l'ex-président Chavez, se dit «préoccupé» par cette situation. «Nous risquons d'avoir un problème avec le respect par Caracas des quotas de production fixés en décembre et reconduits en mars», ont déclaré des sources proches de l'Organisation. A la faveur de la crise sociale aiguë, le nouveau gouvernement vénézuélien peut ouvrir les vannes pour renflouer ses caisses. Sur un autre plan, l'embargo d'un mois annoncé par l'Irak n'a pas eu l'effet escompté par les uns et redouté par les autres. Néanmoins, l'inquiétude demeure au même titre que la tension au Proche-Orient pour des analystes. A cette tension, le risque de surplus de production de Caracas, joue le rôle de contre poids. C'est de ce point de vue que les observateurs expliquent «le soutien» implicite des Etats-Unis au coup d'Etat du Venezuela. En revanche, les experts annoncent que le marché américain ressentira quand même l'effet «Saddam» en mai. «Dans la mesure où il n'y aura aucun chargement pendant 30 jours, il faut du temps pour réorganiser les chargements», argumentent ces experts. La réunion jeudi dernier, du comité d'experts pétroliers des Quinze, constitue un autre signe d'inquiétude des Occidentaux. Ce groupe, créé en 1973 au moment du choc pétrolier, a été convoqué pour la dernière fois durant la guerre du Golfe. Aussi, a-t-il procédé à une analyse profonde de la situation des marchés, des stocks par pays et des scénarios d'évolution possibles. C'est dire que l'inquiétude est grande dans un marché pétrolier en pleine ébullition.