On enregistre un taux insignifiant de repentis qui ont, de nouveau, rejoint les maquis. Concrètement, quel regard peut-on porter sur la gestion sécuritaire et la politique de concorde civile initiée par Bouteflika? Afin d'éviter toute appréciation personnalisée, essayons de recourir au langage des chiffres et aux images de comparaison. Dès son investiture à la tête de l'Etat, le nouveau Président donne son «aman» à ceux qui déposeront les armes. En fait, il concrétise et donne une couverture politique et juridique à des accords qui existaient déjà et qui concernaient la reddition d'au moins 3.000 hommes armés. Les deux organisations trévistes, depuis 1997, déposent les armes et s'autodissolvent au début de l'année 2000. Plusieurs terroristes affiliés aux GIA ou au Gspc profitent de cette opportunité pour intégrer le cadre légal de cette loi portant concorde civile. En termes clairs, il y a eu au moins 6.000 personnes qui se sont fondues dans la société, vidant de façon manifeste les maquis. Quelque 5.000 personnes, dont les mains n'étaient pas entachées de crime de sang et emprisonnées dans le cadre de la lutte antisubversive, ont été élargies au lendemain de l'élection présidentielle du 16 avril 1999, et ont pu rejoindre leur famille. Précision de taille: on enregistre un taux insignifiant, quasi dérisoire de repentis qui ont, de nouveau, rejoint les maquis. Ce sont généralement d'ex-agents des GIA qui n'ont pu s'adapter ou se sont trouvés mis carrément au ban de la société. En ce qui concerne les repentis de l'AIS et les autres organisations, comme la Lidd «bien encadrées» par leurs chefs Mezrag, Kebir, Benaïcha, Kertali, Benhadjar, etc, on n'a enregistré aucune «reprise des hostilités». Parallèlement, la lutte antiterroriste a été menée «tambour battant» par l'armée, appuyée par la gendarmerie, les GLD et les gardes communaux. Cette traque s'est traduite par la neutralisation de centaines de terroristes et le démantèlement de centaines de réseaux de soutien dans les milieux urbains, ainsi que par le «grignotage» des anciens sanctuaires des groupes armés. Bien sûr, on peut mesurer que l'année 2001 fut plus agitée, plus meurtrière que l'année 2000, qui s'est terminée plutôt dans une espèce d'embellie. Mais en «contrepartie» il y eut une véritable hémorragie dans les rangs des groupes armés. Près de 600 terroristes ont été tués cette année-là et tous les maquis ont été passés au peigne fin, ce qui avait contraint les terroristes à changer constamment de QG, d'émigrer vers le Sud, et, de ce fait, de se mettre à découvert. Le ramadan 2001, malgré une première semaine inquiétante (bombe à Tafourah, 4 morts à Larbaâ), s'avéra le moins meurtrier depuis 1993, avec «seulement» 70 assassinats. L'année en cours semble plus inquiétante encore: 380 personnes tuées depuis le 1er janvier, au moins une quarantaine de bombes ont explosé ou ont été désactivées, et quelques vagues appréhensions à l'approche des législatives. Mais le fait est là : on peut voyager de jour, sans risque de tomber dans un faux barrage, pratiquement partout en Algérie. De nuit, certains axes demeurent encore particulièrement risqués, comme ceux de Blida - Médéa, Médéa - Djendel, Béjaïa - Jijel ou Tiaret-Frenda. Dans le chapitre des attentats à la bombe perpétrés par les groupes armés - stratégie qui a coûté la vie à des milliers de personnes, et qui a remplacé dans les milieux urbains, le déficit cumulé après le dépérissement des massacres collectifs - le constat est plus révélateur sur l'amélioration du climat sécuritaire. En 1997, les attentats culminaient à 1 385 engins qui ont explosé contre 2 282 récupérés. Cette année a été aussi celle qui a vu le grand forcing militaire contre le principal atelier de confection de bombes, celui de Ould Allel, à Sidi Moussa, dans la périphérie Est d'Alger. En 1998, 2 864 attentats à la bombe ont été perpétrés contre 2.113 engins repris. En 1999, 1.346 attentats à la bombe ont été commis contre 1.439 bombes artisanales récupérées. En 2000, l'intensité des attentats baisse encore plus: 559 commis et 2.397 engins récupérés. En 2001, il n'y eut «que» 245 attentats commis et 2.160 engins récupérés. Les quatre mois de l'année en cours, donnent, à peu près, ceci: une trentaine de bombes de très faibles intensité a explosé, notamment à Alger et Blida, pour une quarantaine récupérée. Des ateliers d'artificiers terroristes ont été détruits à Tizi Ouzou, Blida, Médéa, Aïn Defla, et le plus important, à Bouzegza véritable Tora-Bora local. La concorde civile a été un élément déterminant dans l'éclaircie sécuritaire qui marque le pays depuis 1999, tout comme la lutte antiterroriste qui l'a été tout autant, avec pour point culminant, l'élimination, en février 2002, de Zouabri. L'embellie tarde, certes à venir. Ce n'est pas pour autant un motif de tourner le dos à l'extraordinaire avancée qui a été faite en matière de sécurité des biens et des personnes.