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L'âne d'Or
METAMORPHOSES D'APULEE DE MADAURE
Publié dans L'Expression le 20 - 02 - 2008

La bibliothèque nationale d'Alger a institué le «Prix Apulée» du premier roman.
Voilà une belle, intelligente et utile initiative culturelle à porter au crédit de M.Amin Zaoui, écrivain et directeur général de la Bibliothèque nationale d'Alger. Les objectifs et le règlement de ce Prix Apulée du premier roman ont été rappelés par l'écrivain Abderrahmane Zakad lors de la remise publique des récompenses aux lauréats dimanche 10 février dernier (voir L'Expression du 11 et du 13 février). C'est là évidemment un moyen fort honorable pour encourager les vocations: celles des auteurs de produire des oeuvres littéraires de qualité enracinées dans les terres fertiles, multiples et variées de notre Terre Maternelle et celles des éditeurs de les publier en Algérie, source de leur inspiration. En disant ce que nous sommes, en exaltant la beauté de notre pays, la bonté de notre peuple, en racontant notre passé, en expliquant le temps présent, en modelant nos espérances, notre littérature (toute notre culture nationale, en vérité) est capable d'inventer des ailes à nos idées et de créer des richesses de pensée pour organiser et propager le génie algérien. Quelle fixation détestable, quelle essentielle ignorance insupportable, quelle soumission habituelle, voire congénitale, font-elles que nous soyons, encore aujourd'hui, si complètement bourrés de complexes pervers que nous ne pouvons analyser, comprendre, juger, transcender nos saines valeurs et nos possibilités de les exercer fièrement? Nous avons un héritage culturel magnifique; notre devoir est de s'en souvenir, de le faire fructifier, de le mettre à jour, de le faire culminer aux côtés des grandes cultures universelles. Alors, il faut découvrir, il faut inventer!...
Nos spécialistes assurent qu'Apulée est Algérien (comment dire autrement?), que son oeuvre majeure, Métamorphoses (*), divisée en onze livres, composée en latin, au IIe siècle après. J.-C. et traduite dans toutes les langues, peut être considérée comme le premier grand roman en prose dans l'histoire littéraire de langue latine.
En bref, qui est-il? Apulée (en latin Lucius Apuleius Theseus) est né en Numidie de l'époque romaine, vers 125, à Madaure (aujourd'hui M'dawrouch en Algérie, au sud de Souk-Ahras, la Taghaste de la colonie romaine, autre haut lieu de culture et où est né Saint-Augustin). Issu d'une famille aisée (son père était Duumvir, magistrat chargé des fonctions municipales), Apulée étudie dans sa ville natale la rhétorique et la littérature, puis fait de nombreux voyages, s'intéressant à tout, aux sciences, à la philosophie, à divers cultes dont celui de la déesse Isis, à la magie aussi (chose naturelle à l'époque) et qui occupe une grande place dans Métamorphoses. A Carthage, il s'assimile l'éloquence latine. A Athènes, il apprend le grec et s'intéresse à la philosophie néo-platonicienne et au sophisme. A Rome, il étudie le droit. Après une carrière de conférencier itinérant à succès, il tombe malade à Oea en Tripolitaine (Libye). Il y rencontre son condisciple et ami Pontianus dont il épouse la mère Emilia Pudentilla, une riche veuve. Accusé par sa belle-famille d'avoir employé la magie pour s'en faire aimer, il plaide sa propre cause par un plaidoyer habile et spirituel (Apologie) devenu célèbre. C'est au retour vers sa ville natale qu'il meurt à Carthage, après 170. On note généralement qu'Apulée, bien que totalement romain par sa culture et son oeuvre, est resté parfaitement fidèle à ses origines en se forgeant une identité «mi-Numide mi-Gétule».
Apulée a écrit de nombreux ouvrages en latin, dans une langue jugée châtiée avec une expression claire sur des sujets et des genres divers: poèmes, traductions, traités de médecine, d'herboristerie et d'astronomie, traités de rhétorique (Métamorphoses, Apologie, Florides), traités de philosophie (De deo Socratis, De Platone et eius dogmate libri II et De mundo).
Mais son oeuvre Métamorphoses est la plus accomplie et la plus célèbre; pourtant, elle est plutôt mieux connue sous le titre L'Ane d'or, sachant bien que le récit de l'âne-savant n'apparaît qu'au livre III de cet ouvrage qui en compte 11. Il faut en souligner la limpidité du style, la justesse des mots et le ton alerte: «Je veux coudre ici ensemble divers récits du genre des fables milésiennes, commence-t-il. C'est une assez douce musique, et qui va chatouiller agréablement vos oreilles, pour peu qu'elles soient bénévoles, et que votre goût ne répugne pas aux gentillesses de la littérature égyptienne, à l'esprit des bords du Nil.»
En voici un très court résumé: Lucius, un jeune homme qui a, au cours de ses voyages, appris des éléments de la magie se voit, par trop de curiosité, transformé en âne. Logeant chez Milon, un vieillard dont la femme, Pamphile, est une magicienne redoutable et croqueuse d'hommes «qui ne voit pas un jeune homme de bonne mine sans se passionner aussitôt». Lucius raconte: «Mais puissance de la curiosité! au seul mot de magie, ce but de toutes mes pensées, loin d'éprouver de l'éloignement pour Pamphile, je me sentis naître un violent désir de me faire à tout prix initier par elle aux secrets de son art. Il me tardait d'aller à corps perdu me jeter dans cet abîme.» Il dit à part soi: «Point d'intrigue amoureuse avec ton hôtesse. La couche de l'honnête Milon doit être sacrée pour toi: mais il y a Photis, la jeune chambrière, qu'il te faut emporter de haute lutte. La friponne est piquante; elle aime à rire; elle pétille d'esprit. [...] Arrive que pourra, j'aurai pied ou aile de cette Photis.»
Sa passion tenant du délire de se changer en oiseau; Lucius, «nouveau Cupidon», gagne enfin la servante, «aussi gaillarde que gentille», qui met à sa disposition les drogues de sa maîtresse; mais elle se trompe de boîtes; au lieu de se changer en oiseau, il devient âne. «Pour revenir de cette métamorphose», il n'aura «qu'à mâcher des roses». Sous cette figure d'âne, Lucius connaîtra et l'écurie et ses mauvais traitements et une série d'aventures. Vont alors en suites serrées évoluer des «brigands» (on trouve au centre même du récit le Conte d'Amour et de Psyché - Psyché, nom grec de l'âme, est amoureuse d'Eros, l'un des grands «démons» platoniciens. C'est une vieille servante qui, dans la caverne des brigands, le raconte à Charité, une jeune fille que ces mêmes brigands viennent d'enlever), des «esclaves fugitifs», des prêtres de la déesse syrienne, un boulanger (histoires de femmes infidèles), un jardinier (prodiges et combats entre propriétaires), la belle-mère empoisonneuse et le médecin avisé. Suivent, dans un étourdissant enchevêtrement, les récits des frères-esclaves et Thiasus (évidemment, l'âne-savant et la femme condamnée aux bêtes), la fuite de l'âne et enfin le livre XI glorifiant la déesse Isis qui l'aide à retrouver sa forme humaine.
Transformé en âne, Lucius, le narrateur (sous la plume de l'auteur), peut parler librement, observant, décrivant, critiquant de l'intérieur la société, nous fournissant, par des digressions de longueur inégale, très inattendues, fantastiques, mêlant amours passionnées et fantaisie et par des procédés littéraires divers (il y a du roman et de la nouvelle), un large panorama de la vie quotidienne au IIe siècle. Aussi est-il recommandé de ne pas se satisfaire d'une lecture au premier degré de Métamorphoses car, selon les spécialistes de cet auteur, aucune des traductions françaises ne peut donner une idée de l'élégance d'Apulée. Voilà qui pourrait donner, chez nous, l'excellente raison de traduire vers l'arabe une oeuvre aussi universelle que Métamorphoses, - ce qui rendrait aux Algériens leur bien incessible.
J'oubliais: l'épithète «d'Or», dit-on, a été ajoutée à L'Âne, hyperboliquement, à cause de l'estime dont le récit de Lucius métamorphosé en âne a pu jouir à son époque. Au reste, les commentateurs anciens de cette oeuvre en tirent cette réflexion qui me semble très moderne: «L'homme devient une brute, un âne, quand il s'abreuve des poisons des voluptés; il reprend sa forme d'homme, dès qu'il s'approche des roses de la science.»
(*) Métamorphoses d'Apulée (Lucius Apuleius) trad. fr. nouv. de Victor Betolaud,
Biblio. lat.-fr. de Panckoucke,
Paris, 1835-38, 2 vol.


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