Alger, Caracas, Ramallah, même combat ? Le discours du Président Bouteflika, hier à l'université de Constantine, le suggère. «Notre ami et frère, le président Chavez, a prouvé que la volonté du peuple est invincible et que l'oeil de Dieu qui la protège ne dort jamais», lance Bouteflika en poursuivant: «Le président Chavez a consacré les traditions du respect de l'ordre constitutionnel et la souveraineté du peuple qui reste son seul refuge après celui de Dieu.» Par là même, le Président félicite «le peuple vénézuélien bolivarien et ses forces armées pour avoir su déjouer les complots des intrigants... sans effusion de sang». Rebondissant fermement sur la situation dans les territoires occupés, le Président condamne «l'extermination massive et l'assassinat d'innocents, la violation des lieux sacrés de toutes les religions et l'expérimentation des derniers cris en matière d'armes de destruction», avant de se lancer dans une diatribe contre les ONG, le Conseil de sécurité et l'ONU. «Nous sommes pour la mondialisation des valeurs humanistes et contre la mondialisation de la terreur, de l'oppression et du principe du deux poids, deux mesures», martèle Bouteflika trois fois en sommant la communauté internationale «de prendre toutes ses responsabilités pour dissuader Israël, une fois pour toutes, et permettre au peuple palestinien héroïque, sous la direction de son illustre président Abou Ammar de réaliser pleinement ses droits à l'édification de son Etat indépendant avec Jérusalem pour capitale». A ces exigences s'ajoutent «le retrait total et inconditionnel des territoires arabes occupés en Syrie et au Liban et le retour des réfugiés». Le Président poursuit: «La véritable stratégie est celle de la paix et non celle de la guerre», en enchaînant: «Ni l'arme nucléaire ni les chars, les canons et les avions israéliens ne sont la véritable garantie de paix et de sécurité pour le peuple israélien avec les autres peuples arabes, mais c'est plutôt le respect des droits de l'autre, et, en premier lieu, son droit à l'existence.» Pour appuyer son argumentaire légaliste, Bouteflika n'oublie pas de souligner, en évoquant Arafat, que la légitimité de ce dernier a été obtenue par le peuple et reconnue pour la communauté internationale: «Donc, nous ne pouvons accepter les complots ourdis ici et là contre la Palestine», assène-t-il. Revenant sur le dernier Sommet arabe de Beyrouth, Bouteflika juge que la proposition saoudienne n'est «ni parfaite ni juste», et salue l'élan de solidarité international en plaçant le réveil des «consciences vives» dans la même logique des contestations antimondialisation à Seattle, Gênes et Porto Allègre: «Les forces officielles ne pourront contrôler la mondialisation sans prendre en considération la volonté des peuples, qu'ils soient faibles ou forts.» Les voies des peuples sont impénétrables, suggère le Président. Dans la même veine, il évoque l'interdiction des élans de solidarité populaires en parlant de «lignes rouges» sans les expliciter. «Le silence des nations musulmanes et arabes n'est pas une complicité avec l'extermination des Palestiniens ou une expression de peur ou de complaisance», lance Bouteflika en ajoutant que «les peuples mesurent les rapports de force et savent ce qui est possible et ce qui est impossible», avant de nuancer: «Mais ils savent que ce qui est de l'ordre de l'impossible aujourd'hui ne le sera plus demain.» Néanmoins, Bouteflika reconnaît: «Nous souffrons de cette position de bras croisés au point de se sentir complice», les marches de solidarité avec la Palestine initiées pour demain par les autorités algériennes participeront-elles à atténuer cet insoutenable immobilisme? Respect de l'ordre constitutionnel, barrage à l'effusion cynique du sang, sacralisation de la volonté populaire et engagement pour une mondialisation plus juste et moins mercantiliste, Bouteflika dresse le paradigme de sa vision du monde et de la politique. Le message vers ces détracteurs, qui sont allés appeler à un putsch militaire contre lui, est on ne peut plus clair. Et l'occasion de célébrer la Journée du savoir en assistant à la semaine scientifique des universités, a été également une opportunité pour le Président de s'attaquer à d'autres fronts. «Notre ignorance de l'esprit de cette ère et notre inconscience de la différence entre la production et l'utilisation de la technologie (...) nous rendent au service et dépendants de la technologie», estime le chef de l'Etat qui brosse un tableau succinct et très critique que l'utilisation et la propagation de l'informatique et de l'Internet. Il soulève par là même le déficit flagrant de l'emploi des réseaux internes intranet dans le domaine des entreprises. Le Président enfonce encore plus le clou en considérant que l'Algérie est très en retard dans les techniques du recensement, ce qui remet fondamentalement en cause les plans de développement. Mais Bouteflika ne s'arrête pas aux considérations techniques. «La maîtrise de l'informatique et des statistiques garantit une transparence absolue qui n'arrange pas les tentatives opaques», déclare le Président sous les applaudissements. Après ce discours, Bouteflika a visité la semaine culturelle de Tlemcen avant de déposer une gerbe de fleurs sur la tombe de Abdelhamid Ben Badis et de quitter Constantine pour Alger hier soir.