8 mars. Journée internationale de la Femme. Un beau discours. Des promesses, des fleurs en plastique et peut-être un sourire. Les pieds gercés, les mains calleuses, le visage buriné par les aléas du climat, le dos voûté par les faix et le ventre vide, à peine soutenue par un infâme brouet contenant une eau dans laquelle surnage un morceau de pomme de terre, cette femme, malgré les coups du sort, demeure un immense réservoir d'amour pour les siens. Telle une louve, elle protège ses petits. Levée aux aurores, veillant sur tout le monde et se couchant après toute la maisonnée. Le 8 mars est inconnu chez les paysannes. Même celles ayant eu vent de cette fête ont oublié jusqu'à son sens! Devant le tourbillon des jours mauvais, les fêtes arrachent un sourire sans plus. Alors, fêter le 8 mars...D'autres femmes surfent sur cette fête. Ce sont ces nouvelles mendiantes qui envahissent de plus en plus les trottoirs des villes et villages. La main tendue, elles essayent de se protéger, le regard perdu dans le brouillard de leur passé. Hadjila, un pseudo, est une mendiante parmi tant d'autres. Le trait fin et le visage encore beau malgré les avanies du temps qui se sont abattues sur elle depuis que son ´´époux et maître´´ lui a préféré une jeunette, Hadjila est fidèle à cette porte cochère qui, la nuit venue, lui sert de demeure et cocon à elle et à son enfant. Un beau garçon aux boucles noires qui gazouille innocemment devant elle pendant que d'une main tremblante et dans un regard éperdu de honte, elle tend la main! Hadjila surveille son petit, son unique trésor et essaie de le protéger des vicissitudes de sa nouvelle existence. Les meilleures parts, les friandises impossibles à acheter sont pour lui et il arrive que la mère se prive de déjeuner et de dîner pour pouvoir gâter son «petit soleil». Hadjila se met de temps à autre à pleurer son univers perdu. Elle se souvient des premières années de mariage avec Hocine. Il lui avait même une fois offert une fleur en lui expliquant ´´qu'en ville les gens offraient des fleurs aux femmes!´´ Maintenant elle sait. Ces fleurs artificielles, aussi fausses que les paroles mielleuses et les promesses d'amour, n'ont pas d'odeur ni de sensualité. Aujourd'hui quand elle voit un jeune homme offrir des roses en plastique à sa dulcinée, elle sourit et hoche la tête connaissant par avance la fin. Une autre femme, une autre région et une autre préoccupation. Saâdia, paysanne et mère de famille, est aussi une belle femme responsable et besogneuse. Levée tôt le matin, elle est aux champs. Les olives et les figues ainsi que les autres travaux des champs n'ont aucun secret pour elle. Mieux qu'un homme, elle sait grimper aux oliviers et mieux qu'un homme elle sait greffer, tailler et récolter. La hotte pleine d'olives ou de figues, le bidon d'eau ou encore les autres faix lui faisant ployer l'échine sans compter, souvent, les seaux d'eau sur la tête, ramenés depuis la fontaine, elle s'occupe, en plus, de tous ces travaux des champs, de sa famille. Pourtant, Saâdia n'a jamais reçu la moindre fleur ni entendu un mot doux. Elle s'en accommode pour autant. Le bonheur est dans le pré. Le 8 mars, c'est pour les autres. Celles-là qui ont le temps et les moyens de le fêter.