Les jeunes se sont résolus depuis longtemps à adopter un passe-temps, celui de regarder passer le temps. A l'instar des autres villes du pays, Béjaïa éprouve toute les peines du monde à résorber le chômage. D'où la précarité et la mal-vie qui font le quotidien des jeunes. Debout, attablés ou adossés aux murs, ces jeunes, des universitaires chômeurs dans leur majorité, «tuent» leur temps en regardant passer le temps. Nabil, un ex-étudiant, désappointé, avoue, quant à lui, qu'il est au chômage depuis 2003, date de sa sortire de l'université. «Ici, à Taguemount, nous n'avons rien sauf cet estaminet. On ne voit absolument rien venir. Nous n'avons bénéficié d'aucun projet. Nous n'avons rien et si vous en doutez, vous n'avez qu'à aller faire un tour dans le village», lancent d'autres jeunes. Leur calvaire se conjugue au quotidien. A Taguemount, il n'y a ni maison de jeunes, ni club sportif, et encore moins de bibliothèque. Un no man's land sportif et culturel. «Nous sommes résolus depuis longtemps à adopter un passe-temps, celui de regarder passer le temps», ironise Mourad, étudiant de son état. «En l'absence de moyens de loisirs susceptibles de combler le vide, ici, les heures s'allongent comme les semaines», lâche, avec une pointe d'amertume, un autre jeune. A l'entrée de la commune, la route en pente est à la limite du praticable. La localité, certes, possède une APC, des établissements scolaires, une épicerie, un café, un arrêt de bus, une «table» de tabac. Et puis...plus rien. D'ailleurs, apprend-on des habitants, le transport en commun (privé) fait défaut dans cette localité. Et pour rallier Boukhelifa à partir de la ville de Tichy, distante de près de 20km, le voyageur doit prendre son mal en patience. Le chômage généré par l'inexistence d'infrastructures pouvant assurer du travail pour les jeunes, ne cesse de s'accroître au fur et à mesure que la liste des «sans-boulot» s'allonge. Rien que pour le chapitre emploi, la commune est déficitaire et n'est pas à même d'honorer les «salaires» de ses employés. Quant aux établissements scolaires, la commune, qui dispose d'un seul CEM, ne compte, à ce jour, aucun lycée. Les lycéens de la commune sont, de ce fait, orientés vers d'autres lycées de la wilaya, quitte à parcourir des kilomètres. En l'absence d'entités économiques, les jeunes de cette municipalité, de plus de 10.000 âmes, sont contraints, depuis longtemps, à se prendre en charge. Ainsi, les paysans s'adonnent aux activités champêtres et aux cultures maraîchères, l'apiculture, l'aviculture, l'élevage de bétail. Seuls gagne-pain. Au chômage et à la pauvreté s'ajoute le suicide, un phénomène qui frappe, aux dires des habitants, toujours la région. Au demeurant, l'état dans lequel se trouve le secteur de la santé n'est pas des plus reluisants. Autrement dit, malgré l'existence de six centres de soins de proximité, réduits à de simples salles assurant les pansements et injections, la demande de la population est loin, voire très loin, d'être satisfaite. Pour preuve, aucun des centres n'est doté d'un fauteuil dentaire, à l'exception de celui de Taguemount, fraîchement acquis, mais dont la mise en service dépend, semble-t-il, du recrutement d'un chirurgien-dentiste. L'absence apparente de médecins permanents est une autre paire de manches. C'est dire que la couverture sanitaire dans les localités reculées de la wilaya de Béjaïa est inexistante et constitue en soi un pléonasme.