Yasmina Khadra et Mustapha Chérif, deux intellectuels algériens s'expriment aujourd'hui sur le Salon du livre de Paris et plus précisément de l'invité d'honneur de ce Salon qui est Israël dont c'est le 60e anniversaire de sa création. Le premier est admirable de courage en adoptant une position tranchée pour expliquer son boycott tout en étant conscient qu'il risque d'être lui-même boycotté à l'avenir. Il n'hésite pas à hypothéquer le tournage prévu en Israël du film tiré de son livre L'attentat. Tout comme le seront, très certainement, ses deux autres oeuvres: l'adaptation au cinéma de son roman Les hirondelles de Kaboul et la pièce de théâtre tirée des Sirènes de Bagdad. L'envergure internationale qu'il a prise, notamment par la traduction de ses oeuvres dans pas moins de 32 pays, lui évitera-t-elle le purgatoire? Pas si sûr. Une telle mise en jeu force le respect. Alors que d'autres que lui, comme Sansal, ont choisi d'aller dans le sens du poil pour tendre la main à la récompense qui est d'ailleurs aussitôt tombée avec le prix RTL-2008. Le second très investi dans le dialogue des civilisations est par voie de conséquence plus nuancé. Il n'en condamne pas moins la portée politique du Salon. Tous deux ont le mérite d'être les seuls intellectuels algériens à expliquer amplement les raisons de leur boycott quand d'autres se contentent d'être absents du Salon. Comme on comprend leur prudence pour s'éviter le sort d'un Dieudonné ou du «monument» que fut l'abbé Pierre qui, malgré tout, a fini par faire son mea-culpa. Mais alors comment s'expliquer la position frontale d'appel au boycott adoptée par Benny Ziffer, le rédacteur en chef du supplément littéraire d'Haaretz, le principal quotidien israélien? Lui qui n'hésite pas à dire des vérités de forte intensité comme celle de «l'Etat israélien (qui) considère que les écrivains sont des agents de propagande. Il estime que l'écrivain est là pour servir la cause israélienne et il exige officiellement ce propagandisme dans un contrat que tous les écrivains doivent signer. C'est ce qui s'est passé avec les Salons du livre de Paris et de Turin». C'est là deux des raisons de son appel au boycott du Salon de Paris. Sa position est comme une note d'espoir dans cette fracture qu'on pouvait croire irréversible entre Arabes et Juifs. Avec Benny Ziffer et d'autres intellectuels israéliens comme Aaron Shabtaï et Sami Michael, qui se sont également démarqués de ce Salon, Mustapha Chérif a des interlocuteurs de choix dans son combat et ses convictions pour le dialogue. C'est tout le mérite de la polémique créée autour de la tenue de ce Salon de Paris et de celui qui se tiendra par la suite à Turin en Italie. Elle aura fait apparaître que des intellectuels arabes et israéliens mènent un même combat pour la coexistence pacifique et un monde plus juste. Puissent-ils réunir leurs forces et vaincre les forces du mal!