Le droit de grève est-il respecté en Algérie? La chambre administrative de la cour d'Alger a ordonné, dimanche, l'arrêt de la grève initiée par le Syndicat algérien des paramédicaux. Est-ce le bras de fer qui s'annonce entre le ministère de la Santé et le personnel paramédical? Le conflit ouvert entre cette branche du personnel hospitalier et sa tutelle va tout droit vers le pourrissement. Le ministre de la Santé fait la sourde oreille à ces revendications. Cela renforce d'autant plus les grévistes dans la justesse de leur action. Le mouvement pourrait se radicaliser, même si les chiffres officiels ne donnent que 7% du personnel paramédical qui a répondu favorablement à la grève. Le porte-parole du Syndicat algérien des paramédicaux (SAP), M.Ghachi, parle, quant à lui, d'un mouvement de protestation suivi à 90%. Des chiffres aux antipodes. Normal. La guerre des chiffres fait aussi partie de l'arsenal des arguments des uns et des autres. La capitale, selon la presse, a porté ce mouvement et a largement contribué au succès de la grève. C'est à Alger qu'il faut faire le plus de bruit. C'est aussi là que résident les centres de décision, les pouvoirs publics, même si dans l'immédiat, les revendications ne sont pas prises en compte. Les établissements hospitaliers de l'Algérois, chahutés par la cessation du travail, donnent la température et renseignent sur l'ampleur de la contestation. Il n'est donc pas étonnant que cela soit la chambre administrative d'Alger qui a été saisie pour se prononcer sur l'illégalité de la grève. Le ministre de la Santé a opté pour la seconde fois, en l'espace d'un mois, pour un recours au tribunal administratif afin de contrer le mouvement de grève organisé par le SAP. La justice a émis un avis favorable à la requête de Amar Tou. Elle a déclaré la grève illégale. De mémoire d'Algérien et à ce jour, les chambres administratives, saisies par les pouvoirs publics, n'ont jamais tranché en faveur des salariés grévistes. Ces derniers, animés d'une foi sans faille pour faire triompher leurs revendications, n'ont pourtant pas dérogé à la loi. Selon le porte-parole du SAP, aucune étape de la procédure légale du préavis de grève n'a été négligée. Les services concernés ont été destinataires de ce préavis depuis maintenant plus d'une semaine. «Cette fois-ci, nous avons entrepris toutes les démarche administratives légales pour éviter que notre grève soit annulée. Nous avons saisi le ministère de la Santé ainsi que (l'inspection du travail) de wilaya». A déclaré à L'Expression M.Khoudja, secrétaire national chargé de l'organique du SAP. Pourquoi la justice a donc rendu une telle décision? Elle a ordonné l'arrêt de la grève. Fallait-il s'y attendre? Quels sont les textes de loi qui garantissent les libertés syndicales en Algérie? L'article 56 de la Constitution de 1996 y fait référence. Il y est mentionné que: «Le droit syndical est reconnu à tous les citoyens». Nacer Koriche, juriste et enseignant à l'Institut des sciences politiques d'Alger, y relève un manque de clarté. Le flou est encore plus accentué lorsque l'on consulte l'article 57 de la loi fondamentale. «Le droit de grève est reconnu. Il s'exerce dans le cadre de la loi. Celle-ci peut en interdire ou en limiter l'exercice dans les domaines de défense nationale et de sécurité, ou pour tous services ou activités publics d'intérêt vital pour la communauté.» Qu'en pense M.Koriche qui s'exprimait sur ce sujet lors d'une conférence de presse organisée au mois de février 2008 au siège de la fondation Friedrich Ebert à Alger? «Le droit au recours à la grève est reconnu, mais il n'est pas précisé qui est titulaire de ce droit», avait souligné le conférencier. Selon ce dernier article 60 de la Constitution de 1976 est plus clair. «Le droit syndical est reconnu à tous les travailleurs», stipule l'article auquel fait référence Nacer Koriche. Sommes-nous donc dos au mur? L'action entreprise par le ministre de la Santé pour faire annuler la grève du SAP, remet sur le tapis le problème de l'exercice des actions syndicales. Elle pose aussi avec plus d'acuité la reconnaissance, par les pouvoirs publics, des syndicats autonomes. L'appel du ministre du Travail Tayeb Louh pour l'instauration d'une «culture du dialogue» élargie à tous les partenaires sociaux ne serait-il qu'une parole pieuse? La démocratisation du champ syndical quant à lui, ne veut pas patienter plus. Il est déjà en marche.