Une certitude : dans une campagne électorale sans relief, le grand vainqueur sera le parti des abstentionnistes. C'est aujourd'hui que les Français vont voter pour le premier tour de l'élection présidentielle. Si le président sortant Jacques Chirac et son challenger Lionel Jospin et le président Jaques Chirac sont sûrs de se retrouver au second tour du scrutin, en revanche, la vraie bataille de la présidentielle va faire rage pour conquérir la place de troisième homme de la République. D'après les derniers sondages, c'est le leader de l'extrême droite, le président du Front national, Jean-Marie Le Pen, qui pointe à la troisième place, avec 12,5% des intentions de vote, soit une régression de 0,5 point, contre 19,5% pour Jacques Chirac et 18% pour Lionel Jospin. Une troisième place très prisée, puisqu'elle donne une option de force politique pour les prochaines législatives. C'était Jean-Pierre Chevènement qui occupait il y a quelques semaines la troisième place dans les sondages, il est aujourd'hui classé quatrième avec 6,5% ex æquo avec Arlette Laguiller. Considéré comme un ami de l'Algérie, Chevènement compte beaucoup sur l'électorat « beur », plus particulièrement sur les citoyens français d'origine algérienne pour rattraper les six points perdus face à Le Pen. D'ailleurs, trois candidats à la présidentielle, Jacques Chirac, Jean-Pierre Chevènement et Alain Madelin avaient effectué des visites-éclair en Algérie, pour renforcer les relations entre les deux pays, mais aussi pour chercher des soutiens possibles dans la communauté algérienne vivant en France. Ce sont les artistes, plus particulièrement les chanteurs et les cinéastes algériens comme Mami, Khaled, ou la cinéaste Yamina Benguigui qui ont ouvert le bal des soutiens pour les candidats de la gauche plurielle. Il est clair que le vote des Français d'origine maghrébine aura son poids dans l'élection, surtout que le spectre de l'abstention est en train de planer sur une société française minée par les problèmes sociaux. Selon les sondages enregistrés lors du dernier jour de la campagne électorale, plus de 46% des Français n'ont pas encore fait leur choix. Une abstention qui risque de favoriser l'extrême droite française et son leader Le Pen qui est en train de grignoter des points dans les sondages pour barrer la route du deuxième tour à Jospin et croiser le fer avec le président sortant Jacques Chirac. Un scénario qui ressemble à quelques détails près aux élections locales de 90 en Algérie, puisque c'est le fort taux d'abstention, plus de 40% et la passivité de la classe politique qui avaient permis à l'ex-FIS de prendre les communes. Les Français risquent de connaître le même sort avec l'extrême droite, si la gauche plurielle ne s'organise pas pour contrer l'avancée de Le Pen. C'est aussi la dispersion des candidats, 16 au total, un record dans l'histoire de la présidentielle française depuis 1958, qui a affaibli les ténors Chirac-Jospin. Si Le Pen accède au second tour, ce qui n'est pas exclu, il pourra toujours compter sur son éternel rival Bruno Mégret qui caracole en bas du tableau des candidats avec 1,5% des intentions de vote. Il est clair qu'une avance substentielle au premier tour pourrait conforter l'idée d'une reconduction de Jacques Chirac, elle servira tout de même de baromètre électoral des candidats et des partis pour les prochaines législatives. Comme ce fut le cas en 1995, où la surprise «Jospin» avait permis au PS de remporter les législatives et de diriger le gouvernement.