Un consensus s'est enfin réalisé au Conseil de sécurité pour l'envoi d'une commission d'établissement des faits. Quoiqu'il fallut passer par le bon vouloir américain, Washington s'opposant à toute condamnation d'Israël, un texte de résolution, passablement édulcoré il est vrai, à été adopté dans la nuit de vendredi à samedi par le Conseil de sécurité. La résolution 1405 charge le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, d'envoyer «une équipe chargée de l'établissement des faits» à Jenine. La résolution 1405 évoque également «l'inquiétude provoquée par la terrible situation humanitaire de la population palestinienne civile» soulignant l'impératif qu'il y a à «permettre aux organisations médicales et humanitaires d'y avoir accès». Dans une première réaction, le représentant palestinien auprès de l'ONU, Nacer Al-Kidwa, a estimé que la résolution est un «pas important, bien que ne répondant pas à tout ce que voulait le groupe arabe», ajoutant: «Notre résolution reste sur la table», soulignant: «Nous croyons qu'un crime de guerre sérieux a été commis et qu'il y a des gens qui pourraient être traduits en justice qui doivent en être tenus responsables.» Toutefois, la date d'envoi de cette mission n'a pas été spécifiée. Il a fallu donc négocier ferme pour amener les Etats-Unis à se rallier à la demande unanime de la communauté internationale de connaître ce qui s'est passé durant le blocus qui a permis le massacre à huits clos des réfugiés palestiniens du camp de Jenine. Pratiquement isolés, au Conseil de sécurité, dans leur opposition à une enquête internationale en Palestine occupée, les Etats-Unis se sont ainsi mis en porte-à-faux de la communauté internationale. Ce qui incita, dans la soirée de vendredi, le président Bush à assouplir sa position en déclarant qu'il «était important de savoir les faits». A la bonne heure! Cependant, ce n'était guère la position que défendait son ambassadeur à l'ONU, John Negroponte, qui continuait à affirmer que les USA «s'opposaient à l'envoi d'une commission d'enquête», menaçant même, jeudi, d'user de son droit de veto pour bloquer la résolution. Quelque peu surpris, sinon consternés par la prise de position de Bush, se ralliant au droit de savoir, les Israéliens réagissent par le porte-parole du criminel de guerre, Ariel Sharon, lequel affirme qu'«une enquête indépendante sur ce qui s'est passé dans le camp de réfugiés de Jenine n'était pas nécessaire». Les Israéliens ont tellement pris l'habitude de l'impunité, de mener à leur guise la communauté internationale, que dans leur arrogance, ils se permettent de dire des énormités considérant sans doute qu'Israël est au-dessus des lois internationales et n'a à justifier aucun de ses actes aussi criminels soient-ils. Pourtant, tous les observateurs qui ont pu accéder depuis mercredi au camp martyr ont poussé un cri d'horreur universel. L'envoyé spécial de l'ONU, Terje Roed-Larsen s'est exclamé, après avoir visité le camp: «Une horreur qui dépasse l'entendement!» Il n'en est pas jusqu'au secrétaire d'Etat américain, chargé du Proche-Orient, William Burns, le plus haut responsable américain s'étant déplacé sur les lieux, qui, sorti bouleversé par ce qu'il a vu, a qualifié «d'effroyable tragédie humaine» vécue par les populations du camp de Jenine. M.Burns a affirmé: «C'est évident que ce qui a eu lieu ici dans le camp de Jenine a provoqué une énorme souffrance humaine pour des milliers de civils palestiniens» soulignant: «Je pense simplement que ce que nous voyons ici est une tragédie humaine.» Et d'ajouter: «C'est important que les Nations unies lancent une mission d'établissement des faits pour essayer de déterminer exactement ce qui a eu lieu ici avec la coopération des Palestiniens et des Israéliens.» Toutes les personnalités indépendantes qui ont pu accéder au camp ont été bouleversées, choquées par ce qu'elles ont vu, M.Roed-Larsen allant jusqu'à décrire les dégâts de «pire qu'un tremblement de terre, une horreur qui dépasse l'entendement». L'ONU va enquêter, reste à savoir jusqu'où iront les enquêteurs et quelle suite donnera le Conseil de sécurité aux résultats de leurs investigations. Les Palestiniens demandent par ailleurs, avec insistance, l'envoi dans les territoires occupés d'une force internationale d'interposition, force également réclamée par le secrétaire général de l'ONU, alors que la France faisait savoir qu'elle «s'y associe pleinement». Israël, soutenu par les Etats-Unis, continue de s'opposer au déploiement d'une telle force en Palestine occupée. Jenine constituera-t-il le tournant dans le dossier israélo-palestinien, qui, outre de marquer la fin de l'impunité d'Israël, mettra un terme à la solution envisagée du seul point de vue de la sécurité de l'Etat hébreu? Aujourd'hui, l'ONU dispose de tous les moyens pour crever l'abcès, reste à savoir jusqu'où ira Washington dans son soutien et sa protection du criminel de guerre qui dirige Israël, Ariel Sharon.