L'armée israélienne a lancé hier une grande offensive au Liban. Comme il était attendu, le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté dans la soirée de vendredi, à l'unanimité, le projet de résolution franco-américain, appelant notamment à l'arrêt immédiat des combats au Liban entre Israël et les milices du Hezbollah qui ont lieu depuis le 12 juillet. La résolution 1701 demande instamment à Israël et au Hezbollah de cesser «immédiatement» toute «opération militaire» offensive. Le texte onusien prévoit le renforcement de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Final) dont les effectifs doivent être portés de 2000 à 15.000 hommes, concomitamment avec le déploiement de 15.3000 soldats libanais dont le gouvernement de Fouad Siniora en a accepté le principe. Ce déploiement de forces au Sud-Liban se fera parallèlement au retrait des troupes israéliennes de la région. Pour ce qui est des fermes de Chebaa (territoire d'une vingtaine de km2 qui surplombe le lac de Tibériade aux confins des frontières entre le Liban, la Syrie et Israël ) -l'une des causes du casus belli entre Israël et le Liban- la résolution 1701 a confié au secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, le soin de faire dans les 30 jours des propositions au Conseil, après consultation des parties concernées, pour la délimitation précise des frontières du Liban. Toutefois, alors même que l'encre avec laquelle a été écrite cette résolution n'a pas séché qu'Israël annonçait l'élargissement de son offensive au Liban, offensive devenue effective hier matin avec le franchissement de la rivière Litani par les troupes israéliennes dont les rangs ont été triplés et portés à 30.000 personnes. Ce qui est étrange si l'on sait que, quelques heures avant l'adoption de la résolution, le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, a eu un entretien téléphonique avec le président américain, George W.Bush, à la suite duquel le chef du gouvernement israélien a donné son accord au texte négocié. Un texte répondant largement aux demandes israéliennes, plus qu'à celles du Liban, comme le confirme la déclaration du vice-Premier ministre israélien Shimon Peres, qui a indiqué: «Ce que nous pouvions obtenir aux Nations unies, nous l'avons obtenu» affirmant «Nous avons obtenu satisfaction sur la quasi-totalité de nos exigences. C'est sans précédent.» Alors comment s'explique l'offensive de grande envergure commencée hier au Liban par l'armée israélienne? La déclaration du porte-parole du gouvernement israélien, Avi Pazner, sans expliquer le pourquoi semble apporter toutefois une première réponse, lorsqu'il a déclaré: «Pour nous, aucun cessez-le-feu n'a été décrété. La résolution du Conseil de sécurité de l'ONU doit être au préalable entérinée samedi (hier) par le gouvernement libanais puis dimanche (aujourd'hui) par le gouvernement israélien avant que s'ouvrent les discussions sur ses modalités notamment le moment où il doit entrer en vigueur». Aussi, Israël -avec l'assentiment convenu de Washington- veut mettre à profit ces heures ou jours de battement -avant la mise en application de la résolution 1701- pour tenter de parachever ce qu'il n'a pu faire depuis un mois: neutraliser le Hezbollah. Ce que Pazner ne cache nullement qui ajoute: «Cette opération qui vise à neutraliser les capacités du Hezbollah à tirer des roquettes et des missiles vers le nord d'Israël n'est pas limitée dans le temps.» De fait, pour Israël, la résolution 1701 ne s'applique qu'au Liban et ne s'applique pas, ou ne peut s'appliquer, à l'Etat hébreu qui, à la limite, la considère comme un bout de papier qui ne l'engage en rien. Ce qui est conforme à la position qui a toujours été celle d'Israël qui n'a jamais honoré ses engagements internationaux, ni aucune des innombrables résolutions votées par l'ONU dans le cadre du conflit israélo-arabe. Or, l'une des conditions de la résolution 1701, le «retrait immédiat» des troupes israéliennes du Sud-Liban se trouve mise en porte-à-faux par la décision du gouvernement israélien de passer à l'attaque le jour même où le texte sur le cessez-le-feu est adopté par le Conseil de sécurité de l'ONU. Israël qui n'a, jusqu'ici, respecté aucune résolution de l'ONU donne bien l'impression qu'il en fera de même cette fois-ci en tentant d'obtenir satisfaction par la force même si la résolution onusienne prend plus en compte les demandes d'Israël que celles du Liban. De fait, le gouvernement libanais, qui devait se réunir hier tard dans l'après-midi, devait donner son accord à la résolution 1701 selon les déclarations du ministre libanais de l'Information, Marwan Hamadé, selon lequel «il y a tendance à l'acceptation de cette résolution, mais il faut qu'elle soit exécutée et ne soit pas un prétexte à la poursuite de l'offensive israélienne». M.Hamadé ne semblait pas si bien dire puisque Israël tire prétexte de cette résolution pour tenter de finir ce qu'il n'a pu mener à terme depuis un mois. Il n'en reste pas moins que -sauf surprise de dernière minute- Beyrouth devra accepter la résolution 1701 dans l'ensemble de ses dispositions. Dispositions sur lesquelles, le ministre qatari des Affaires étrangères, Hamad ben Jassem ben Jabr al-Thani, a apporté des réserves. Des réserves qui viennent un peu tard, exprimées bien après l'adoption du texte franco-américain. Le chef de la diplomatie qatarie a affirmé vendredi à New York que la résolution «n'a pas clairement évoqué l'horreur des destructions causées par l'agression israélienne contre des civils innocents (...) et n'a pas clairement établi la responsabilité d'Israël d'un point de vue humanitaire et juridique pour cette destruction» selon l'agence d'information qatarie QNA. Par ailleurs, l'émissaire des Nations unies au Proche-Orient, Alvaro de Soto, a indiqué s'attendre à une «baisse de l'intensité des combats» au moment même où c'est le contraire qui était vrai. M.de Soto a ainsi indiqué: «Je crois que nous devrions voir dans les 24 à 48 heures tout au plus une réduction de la violence. Ce serait normal». Alvaro de Soto ajoute: «Une cessation des hostilités ne devrait pas attendre» le déploiement de l'armée libanaise et d'une nouvelle force de Casques bleus prévus par la résolution 1701. De son côté, le Haut représentant de la politique extérieure de l'Union européenne, Javier Solana, a déclaré hier au sortir d'une entrevue avec les autorités libanaises qu'«il est important maintenant de cesser le feu, c'est l'objectif primordial. Les deux gouvernements, le Liban samedi et le gouvernement israélien dimanche, doivent accepter cette résolution». M.Solana a ajouté que c'est là «(...) une bonne résolution et elle devrait être appliquée rapidement et avec bonne volonté». Relevons enfin que la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a appelé la Syrie et l'Iran «au respect» de la nouvelle résolution ne soufflant mot sur le non-respect par le premier concerné: Israël qui viole la souveraineté du Liban depuis de nombreuses années, en déclarant devant les journalistes: «Nous appelons tous les Etats, particulièrement l'Iran et la Syrie, à respecter la souveraineté du gouvernement libanais et la volonté de la communauté internationale». Comme quoi les Etats-Unis regardent toujours le contentieux proche-oriental avec le bout de la lorgnette déformante d'Israël qui, aux yeux de Washington, est perpétuellement dans son droit qu'il ait tort ou raison.