Le Conseil de sécurité des Nations unies a finalement été saisi par la France et les Etats-Unis sans que l'on sache si ces deux pays entendent défendre la souveraineté du Liban qu'ils disent menacée ou remise en cause par une révision constitutionnelle voulue, voire même imposée par la Syrie en vue d'accorder un nouveau mandat au président libanais sortant, Emile Lahoud, ou tout simplement s'en prendre à Damas qui a toujours, il est vrai, exercé une tutelle en règle sur ce pays. Encore que là il n'est pas sûr que les motivations françaises et américaines se rejoignent, Washington ayant décrété des sanctions contre ce pays accusé de soutenir le terrorisme ou ce que les Américains considèrent comme tel, mais plutôt perçu comme l'obstacle à une certaine normalisation au Proche-Orient puisqu'il réclame toujours la restitution de son plateau du Golan, soutiennent les organisations palestiniennes opposées au processus de paix quand celui-ci existait, et combattrait Israël à travers le Hezbollah libanais. Ce qui est considéré comme une tutelle et une capacité de nuisance a été vérifié et démontré à différentes reprises notamment en 1996 quand la région était menacée d'embrasement et que les Etats-Unis avaient négocié et obtenu un accord tripartite (avec Israël, la Syrie et le Hezbollah) considéré alors à l'époque comme une reconnaissance de fait de cette tutelle. Mais depuis cette date, le processus de paix est mort, et ses données initiales ont été bouleversées avec un plan du Premier ministre israélien qui entend consacrer le fait accompli, autrement dit perpétuer l'occupation de territoires syriens (Golan), libanais (fermes de Chabaâ) et palestinien (annexion de nouveaux territoires en Cisjordanie). Ainsi donc, le Conseil de sécurité a adopté jeudi soir une résolution appelant au respect de la souveraineté du Liban et au retrait de toutes les troupes étrangères de son sol, visant ainsi implicitement la Syrie. Le vote a été acquis par 9 voix sur 15, avec 6 abstentions, soit le minimum requis pour l'adoption d'une résolution. Les six pays abstentionnistes sont l'Algérie, le Brésil, la Chine, le Pakistan, les Philippines et la Russie. Initialement présentée par les Etats-Unis et la France, la résolution, qui prend le numéro 1559, a reçu également le parrainage de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. Un fait unique La résolution, qui est certainement un fait unique dans les annales et montre à quel point l'ONU peut être engagée ou dessaisie de questions même les plus sérieuses, souligne la nécessité que l'élection présidentielle devant se dérouler prochainement au Liban soit « libre et équitable, selon les règles constitutionnelles libanaises établies sans interférence étrangère ». Elle réitère l'appel du Conseil « à un strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'unité et de l'indépendance politique du Liban ». Pourtant, avec l'occupation israélienne du fameux triangle des fermes de Chabaâ, ce principe est largement violé. Dans sa version initiale, elle exigeait « que les forces syriennes se retirent du Liban sans délai ». Dans la version finale, amendée pour obtenir une majorité, la mention explicite de la Syrie a été retirée, le Conseil exigeant désormais que « toutes les forces étrangères restantes se retirent du Liban ». Le texte, en outre, « appelle au démantèlement et au désarmement de toutes les milices libanaises et non-libanaises » dans ce pays. Il reste et c'était prévisible que le gouvernement libanais a rejeté cette résolution quelques heures à peine après son adoption. « Le Liban n'acceptera aucun projet qui ignore le problème principal, l'occupation israélienne », a affirmé dans un communiqué le ministre libanais des Affaires étrangères, Jean Obeid, qualifiant la résolution de l'ONU d'« ingérence » dans les affaires intérieures du Liban. « Cette résolution est déplacée car elle transgresse les principes de non-ingérence dans les affaires intérieures » des pays membres de l'Onu, a-t-il ajouté. Une partie des membres du Conseil de sécurité de l'ONU l'a compris et « c'est ce qui explique que le texte initial a été édulcoré », a-t-il ajouté. Selon la presse libanaise, le texte initial a été édulcoré, les Etats-Unis et la France ayant accepté des modifications de dernière minute pour rallier la majorité des neuf voix nécessaires. Le texte a également été assoupli, Washington et Paris ayant rayé la mention relative à la prise de « mesures supplémentaires » au cas où les parties concernées ne se plieraient pas à la résolution, a ajouté le journal. « Mais le fait que le Conseil ait donné un délai probatoire d'un mois » à la Syrie et au gouvernement libanais pour se plier « ouvre la voie à une résolution plus contraignante », estime-t-on de même source. La Russie, ainsi que d'autres pays abstentionnistes, a expliqué sa position en estimant que la résolution était « à sens unique ». Ces pays auraient souhaité que le texte fasse référence au contexte général au Proche-Orient et condamne également l'occupation des territoires par Israël. Par ailleurs, le texte apparait maladroit et mal à propos en raison aussi de la situation en Irak, un pays mis sous tutelle internationale, et où il est impossible de parler de souveraineté. Cela n'empêche pas de poser sans passion et sans détour les vrais problèmes de la région du Proche-Orient créés ou liés à l'occupation israélienne. La communauté internationale au nom de laquelle est supposé s'exprimer le Conseil de sécurité doit écouter ces pays et reconnaître leurs droits.