Jamais une marche célébrant l'anniversaire du Printemps amazigh n'a été aussi imposante. Au-delà du nombre des participants qui demeure supérieur à de toute espérance, il y a lieu de signaler la qualité des marcheurs qui a énormément évolué. Contrairement aux précédentes marches du mouvement citoyen, où les jeunes dominaient les débats, celle d'hier, marquant le 22e anniversaire du Printemps berbère, a connu une forte participation adulte, majeure et responsable. Une évolution qui a été pour beaucoup dans le déroulement très pacifique de l'action d'hier, ont noté plusieurs observateurs. La symbolique du 20 Avril, qui rappelle la jeunesse de beaucoup de marcheurs, ajoutée à la nécessité d'un climat d'apaisement qui ne prévaudrait sans la libération des détenus et la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur, sont autant de facteurs qui ont motivé cette participation massive. Par la maîtrise de la marche d'hier à Béjaïa, les animateurs ont voulu, au-delà des préoccupations relevant de la satisfaction des revendications et la libération des détenus, transmettre «un message clair et net»-pour reprendre un d'entre eux-aux autorités sur le caractère pacifique du mouvement, mais aussi «la mobilisation qui reste intacte». Venus des contrées les plus éloignées de la wilaya, ces milliers, centaines de milliers-le chiffre importe peu-ont tenu à marquer de leur empreinte «cette date symbole, chère à tous ceux qui militent pour une démocratie réelle», nous lance Ammi Hachemi, la soixantaine dépassée. Avançant difficilement, il poursuit: «Nos intellectuels doivent intervenir maintenant que le mouvement a atteint le pic». Dans d'autres carrés, la présence féminine mérite d'être signalée. A tue-tête, ces et mères criaient «la libération des leurs». Bizarrement, toutes les défaillances constatées dans les actions de la coordination intercommunale ont cédé la place à une parfaite organisation digne d'un mouvement mûr et discipliné, autre élément relevé très souvent. La procession humaine qui s'est ébranlée du carrefour Aâmriou, face à la maison de la Culture de Béjaïa, à 11 heures, a sillonné les principales artères de la ville avant d'atterrir au tribunal de la même ville. Plusieurs haltes ont été observées, pour d'abord «souffler un peu», car la cadence était un peu accélérée, mais aussi pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes du printemps noir, comme ce fût le cas en face du siège de la wilaya où est tombé le jeune «Hafnaoui», au lendemain de la marche du 14 juin 2001 à Alger. La présence très discrète des services de sécurité, à l'intérieur des édifices publics, a été interprétée comme un «un signe d'ouverture et d'apaisement» par bon nombre de participants, qui, à l'issue de cette action n'ont pas manqué de montrer leur satisfaction d'avoir enfin renoué avec le pacifisme. Les quelques jeunes, visiblement inconscients, qui ont tenté de provoquer la Gendarmerie nationale, ont été rapidement encadrés par les organisateurs, très attentifs au moindre geste des uns et des autres. Les mêmes gestes ont été observés à l'arrivée devant la maison d'arrêt par les délégués de la Cicb et ont suscité la joie chez ce militant des années 80, très nostalgique qui nous déclara: «Le 20 Avril a été toujours fêté dans la joie et pacifiquement». Notons enfin que le mot d'ordre de grève a été massivement suivi par la population des différentes localités de Béjaïa. Néanmoins, la mobilisation pour la marche était nettement plus forte dans la vallée de la Soummam.