Manifestation à Tizi Ouzou et grève générale résonnent comme le come-back de la grandiose marche du 21 mai 2001. Descendus des villes et des villages, les torrents humains - en bus, en fourgons, en voitures particulières, en camions ou à pied - rejoignaient le carrefour du 20-Avril. Les banderoles noires clamant les mots d'ordre du mouvement citoyen, claquaient au vent. L'une d'elles frappe les esprits: «Enfermez vos interdits, libérez nos libertés!». Un message ô combien significatif de la génération Massinissa à l'Algérie adulte. La ville, comme d'ailleurs tous les villages et les autres cités de Kabylie, a baissé rideau. Les cafés, les commerces, les services publics ont aussi respecté l'appel à la grève. Dans les rues de Tizi Ouzou, grouillantes de monde, seuls les petits vendeurs de cigarettes, quelques vendeurs de journaux, ainsi que les boulangeries et quelques pharmacies sont là à servir normalement les citoyens. Dès 9h, les groupes de manifestants affluent de partout, jusque et y compris des endroits les plus reculés de la wilaya. La population était réellement au rendez-vous. Hommes, , jeunes, adultes et même des personnes âgées étaient là! Hormis Saïd Sadi, des élus locaux et l'exécutif fédéral du FFS, aucune autre personnalité politique n'a été remarquée, la marche est une action transpartisane, initiée par la Cadc. A partir de 11h, la marche s'ébranle. Un peu moins organisée que celle du 21 mai 2001, mais, il faut le souligner, plus responsable et plus décidée, avec un peu moins de violence. Empruntant la rue Lamali, le fleuve humain, organisé en carrés plus ou moins disciplinés, arborait les banderoles noires et, fait remarquable, le drapeau national. Un peu auparavant, un fourgon, apparemment affrété par la Cadc, orné de bouquets de genêts et muni d'un haut-parleur sillonnait l'artère principale de la ville avec la chanson de Lahlou: Pouvoir assassin, à fond... les décibels. Une équipe de télévision étrangère, prise pour l'Entv, a failli être empêchée de travailler. Le premier carré, initialement réservé aux familles des victimes, vite débordé, se fond dans la masse de manifestants qui s'est agglutinée. Les banderoles noires répondaient aux slogans criés à tue-tête. La foule s'égosillait: «Ulac smah ulac», «Pouvoir assassin!», «Y en a marre de ce pouvoir!», «Tamazight, langue nationale et officielle», «Non à l'impunité!», «Jugez les assassins, libérez les détenus!». Quelquefois de la foule s'élève, un puissant: «Imazighen!» et aussi un «Corrigez l'histoire, nous ne sommes pas des Arabes », sans doute excédés par «l'ignorance» de l'Entv des événements du printemps noir, alors qu'elle a réservé des heures à une autre tragédie, celle de la Palestine. Durant près de trois heures, les carrés, nombreux, denses, pluriels et déterminés, avançaient difficilement. Ainsi, alors que le premier carré était arrivé devant le siège de la wilaya, le dernier était encore sur place ! Soit à environ 2km. Le trajet qui pouvait se faire en un peu plus d'un quart d'heure, l'a été en trois bonnes heures. L'avenue Abane a revécu, hier matin, les journées de grande mobilisation. Un carré a retenu le plus l'attention derrière une immense banderole portant le seul mot, «Liberté». Un géant emblème noir, porté par quatre jeunes, renfermait en son sein, le drapeau national. Toute une symbolique! Devant le siège de wilaya, les marcheurs ont respecté une minute de silence, puis un délégué des Ath-Ghobri remercie les gens d'avoir été au rendez-vous et finit sa petite allocution par: «Le combat continue!». Après la dispersion de la foule, quelques jeunes, l'esprit échauffé par l'atmosphère de la journée, ont lapidé le siège de la Cadc actuellement occupée par les URS. Une petite échauffourée a mis face à face, les deux parties. Les gaz lacrymogènes se sont échangés avec les pierres. Mais cette «étincelle» est tout de même restée à l'état de feu follet, sans prendre de proportions alarmantes. La journée n'a, grosso modo, guère été perturbée. Par ailleurs, nous avons appris que la Cadc de la wilaya a réuni au cours de cette semaine, un conclave extraordinaire, aux fins d'examiner le rapport de la commission réflexion, élaboré à Ath-Saïd Tigzirt, et soumis depuis ces derniers jours à la base.