«Pourquoi ne connaît-on pas notre pays alors qu'il est si riche et mérite d'être connu?» La ville de Abu Dhabi, capitale des Emirats arabes unis, a abrité ce mois d'avril 2002 une manifestation culturelle importante qui a drainé une foule considérable, aussi bien de participants que de visiteurs. Il s'agit du 12e Salon international du Livre de Abu Dhabi, qui a eu lieu du 7 au 19 avril 2002, au Centre culturel de cette capitale enchanteresse qui en a subjugué plus d'un. L'histoire de cette fondation culturelle remonte en fait à une vingtaine d'années, lorsqu'un éminent personnage de l'Etat, en l'occurrence le cheikh Zayed Ben Soltane Al Nahyane, a eu l'ingénieuse idée de construire une bâtisse qui servirait la culture en général et le livre en particulier. Ainsi, son inauguration eut lieu en 1981 pour le premier Salon du Livre islamique, qui fût le point de départ de nombreuses autres manifestations culturelles qui deviendront par la suite des rendez-vous annuels et habituels auxquels les adhérents sont de plus en plus nombreux. Cette année, l'Algérie était à l'honneur et sa première participation à ce 12e Salon du Livre n'est pas passée inaperçue, bien au contraire. En effet, pour tisser de nouveau des liens déjà solides mais qui avaient besoin d'être d'avantage consolidés, pour renouer des relations un peu délaissées et qui devaient renaître, afin de rapprocher d'avantage deux cultures, deux nations, deux civilisations, deux peuples qui ont tant à se dire mais que des milliers de kilomè tres séparent, les hautes institutions concernées, aussi bien en Algérie qu'aux Emirats, ont vu en ce Salon du Livre une occasion propice pour un redéploiement des liens et surtout une opportunité pour se découvrir pour les uns ou se redécouvrir pour les autres. Ainsi, l'inauguration officielle de la cérémonie d'ouverture a été effectuée en présence de notre ministre de la Communication et de la Culture, M. Mohamed Abbou, invité d'honneur de cette manifestation, qui, en présence de son Excellence cheikh Nahyane Ben Mebarek Al Nahyane, ministre de l'Enseignement supérieur émirati, d'une forte délégation émiratie et algérienne, ainsi que des membres de la presse locale et étrangère, a déclaré le 12e Salon du Livre ouvert et a profité de l'occasion pour remercier ses hôtes et souhaiter longue vie et de fructueuses relations entre l'Algérie et les Emirats arabes unis. Des centaines d'exposants étaient présents à ce Salon, venus en force de tous les pays proches et lointains pour exposer leurs oeuvres et faire connaître leurs productions littéraires. Plus de 180.000 titres arabes, et 50.000 titres étrangers sont présentés dans ce Salon par 300 maisons d'édition différentes. D'Egypte, du Liban, de la Syrie, du Maroc, de la Libye, de la Mauritanie, du Soudan, de la Jordanie, de la Palestine ou d'ailleurs, tous sont venus présenter leurs dernières productions littéraires à un public qui devenait de plus en plus nombreux au fil des jours. Contrairement aux autres pays dont on avait déjà pris connaissance des productions littéraires lors des précédents salons, la présence de l'Algérie pour la première fois a été très remarquée par les «locaux» (habitants de cette capitale) et surtout fort appréciée par les Algériens résidant à Abou Dhabi qui désespéraient de voir enfin leurs compatriotes présents et leur pays dignement représenté. «Pourquoi tous les autres pays sont-ils présents et pas l'Algérie?», «pourquoi ne connaît-on pas notre pays alors qu'il est si riche et mérite d'être connu?», «pourquoi des pays voisins s'approprient nos richesses et les exposent au nom de leurs pays?» ; tels sont les propos de nos compatriotes qui attendaient cette participation avec impatience. «Il faut que notre ambassade, notre consulat bougent et nous représentent dignement, nous ne sommes en rien inférieurs aux autres Nations». Cette fois-ci, ils n'ont pas été déçus. Bien que peu représentée, l'Algérie a enfin marqué sa présence dans ce flux littéraire si riche et si florissant. Représentée par quatre Maisons d'Editions — dont deux étatiques, à savoir, l'Anep et l'Enag et deux privées, Dar El-Oumma et Dar Houma —, les autres exposants ainsi que les nombreux visiteurs ont eu à apprécier quelques unes des nombreuses publications nationales qui n'ont rien à envier aux autres productions voisines et qui ont un peu levé le voile sur un pays d'une richesse littéraire et artistique sans limites dont beaucoup reste à découvrir. Sur un pays aussi riche que l'Algérie, le peuple Emirati ne sait pas grand chose, d'aucuns ne savent pas où le placer géographiquement, d'autres en savent très peu ou très mal, quelques noms par-ci, quelques régions par là, lus au grès à la lecture d'un journal ou connu lors d'un séjour fortuit à Mascara ou des cours à l'université d'Oran. Par le biais de la presse, l'Algérie est décrite comme un pays invivable, sans culture, fait de feu et de sang, où les Algériens s'entretuent «comme des cannibales qui se dévorent». Il était temps d'effacer cette fausse image de notre pays et de redorer le blason d'une Algérie qui a tout pour vaincre et vivre heureuse, mais dont ses propres enfants ignorent la richesse. En marge de ce Salon, des rencontres littéraires, des débats, des après-midis poétiques étaient organisés à la salle de conférence du Centre culturel, qui connaissait une affluence considérable. Le sujet majeur de ces rencontres étaient bien sûr la situation critique que connaît le peuple palestinien aujourd'hui ; tous étaient d'accord pour dire que les Nations arabes et musulmanes devaient se souder et réagir. L'occasion était aussi propice pour signifier le soutien de chacun aux enfants palestiniens, des messages leur ont été adressés, des dons leur ont été faits, des livres leur ont été offerts par les éditeurs présents à ce Salon dont l'Algérie, des galas de soutien et d'encouragement, des ventes d'objets ont été organisées au sein de cette fondation dont la recette sera versée au profit des enfants de la Palestine. Le grand Marcel Khalifa, ténor de la chanson patriotique, a lui aussi tenu à être présent lors de cette manifestation et a exprimé sa totale solidarité avec le peuple palestinien dans un gala patriotique d'une rare beauté embaumé d'une intense émotion mêlée de douceur et de résignation qui en a ému plus d'un. Le rendez-vous est sûrement donné l'année prochaine pour une seconde participation au Salon du Livre de Abu Dhabi avec une présence plus dense et pourquoi pas à un rendez-vous plus proche et encore plus important en qualité, celui du Salon du Livre de Charja (Chariqua, la capitale culturelle des Emirats) qui, selon les connaisseurs est encore plus attrayante et attire encore plus de monde.