L'Algérie compte 1,2 million de prostituées clandestines. Chacune faisant vivre autour d'elle 3 personnes. Comment subvenir à des besoins de première nécessité? Le moyen le plus répandu est de louer sa force de travail, en d'autres mots plus simples, occuper un emploi et recevoir un salaire acquis à la sueur de son front. En un mot, vivre dans la dignité. Recourir à l'exercice du plus vieux métier du monde, la prostitution, pour boire, manger et s'habiller est le signe révélateur d'un profond malaise. Le signe de la dépravation en marche d'une société qui a mal et qui souffre en silence. Si l'on en croit les conclusions du sondage effectué par l'Institut Abassa, ce type de perversion toucherait une bonne partie de la population algérienne, plus de 10%. «Les Algériens qui vivent directement ou indirectement de la prostitution sont 4 millions et sont âgés de 16 ans et plus», nous dit le rapport. Des chiffres, encore des chiffres. Les Algériens sont gavés de statistiques souvent contradictoires et très peu crédibles alors qu'ils ne cessent pas de se serrer la ceinture. Et à chaque jour suffit sa peine. Un jour c'est l'huile; pendant toute l'année ce fut la pomme de terre au point que l'année 2008 a été déclarée par l'Organisation des Nations unies «Année de la pomme de terre». On aurait pu croire à une grosse plaisanterie à une autre époque. Et la coupe peut être considérée comme déjà pleine. Apparemment non, puisque ces nouveaux chiffres viennent noircir, et de quelle façon, un tableau du climat social déjà pas très reluisant. Pour enfoncer le clou, nous faire boire le calice jusqu'à la lie, l'enquête révèle que les Algériens qui vivent directement ou indirectement de la délinquance et de commerces illicites, sont estimés à 3 millions d'individus âgés de 16 ans et plus. Nous pouvons aisément penser que 16 ans est l'âge plafond de la scolarité obligatoire. Les sondés ayant cet âge et exerçant ces activités illicites mentionnées par le sondage, se trouveraient donc en situation d'échec scolaire. En résumé, il existe 1,2 million d'Algériennes qui se prostituent de manière clandestine. 4 millions d'Algériens tirent leurs ressources de ce type d'activité alors que 3 millions vivent de délinquance et autres métiers illicites. Une sombre image de l'Algérie indépendante. Si ces chiffres s'avèrent exacts, ce n'est plus la sonnette d'alarme qu'il faut tirer puisque le ver est réellement dans le fruit, mais c'est à une véritable thérapie de choc (économique, sociale et culturelle) qu'il faut procéder. Selon le rapport de l'Institut Abassa, frappé du sceau de la confidentialité, nous ne serions pas au bout de nos peines. «Ce sondage ne livre pas non plus les données obtenues "off the record", c'est-à-dire hors questionnaire sur la population des SDF (sans domicile fixe), des errances et mendiants ainsi que sur les populations manifestant des pathologies psychologiques et psychiatriques; plus de deux millions», commente le rapport de l'Institut Abassa. Et la cerise sur le gâteau, il ajoute que «l'Algérie marginale, révoltée ou consentante, est bien plus importante en nombre et en priorités d'agir que l'Algérie officielle telle qu'elle apparaît dans les bilans et les rapports cycliques et récurrents que présentent les gestionnaires de la cité...» Oisiveté, mal-vie, prostitution, délinquance, toxicomanie, harragas...Des signes qui ne trompent pas, de dégradation et de perversion sur lesquels les plus volontaristes des discours ne peuvent avoir d'emprise.