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Trois décades de lutte pour tamazight
20 AVRIL 1980-20 AVRIL 2008
Publié dans L'Expression le 19 - 04 - 2008

II y a 28 ans presque, jour pour jour, venait d'éclore dans l'hostilité et la tragédie le Printemps berbère.
Le 20 avril 1980, une journée des plus radieuses allait se révéler comme étant, en fait, le départ d'une colère sans borne dont les ressacs viennent encore frapper les esprits. La Kabylie se souvient de ce grand moment de colère. Le 20 avril 1980, une nouvelle parcourut rapidement toute la Kabylie. Les étudiants retranchés à l'intérieur de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou et les animateurs du mouvement ne s'attendaient pas à ce qui venait d'arriver. Les franchises universitaires ont été foulées aux pieds et les policiers ont brutalement occupé les lieux, alors que les animateurs retrouvés au CHU ont été arrêtés. Dans la journée, les villages et hameaux de Kabylie ont été frappés de stupeur. La rumeur amplifiant, on parlait même de morts, de viols et autres brutalités. Le sang des paysans ne fait qu'un tour. Non seulement tamazight, cette vieille langue du pays était minorée et combattue, mais en sus, des jeunes gens, qui ne demandaient qu'une place à leur langue en Algérie ont été maltraités, arrêtés et peut-être même tués disait la rumeur. Des gens se questionnent: «Qu'est-il donc réellement arrivé à l'université?» Depuis, les hameaux les plus isolés de la région des colonnes de gens descendaient sur Tizi Ouzou pour connaître la vérité. Des compagnies de forces de répression quadrillaient la ville et des barrages filtrants ont été placés sur les différents accès. La presse de l'époque parlait de main de l'étranger et ajoutait de l'huile sur le feu. C'était l'époque où on criait haro sur les utilisateurs de la langue française qu'on classait à «la solde de l'étranger». Pourtant cette langue étrangère était sacrée comme butin de guerre par feu Kateb Yacine.
En ce 20 avril 1980 et dans les jours et semaines qui ont suivi, la Kabylie se mettait à bouillir et les chemins, les routes et les sentiers muletiers se remplirent de foules en colère. La destination des gens était Tizi Ouzou. Une révolte était en route. Peu auparavant et pour essayer de «contre-balancer» la grosse manifestation, des étudiants exigeaient les libertés publiques et tamazight aux côtés de l'arabe populaire et dénonçaient le refoulement de l'écrivain Mouloud Mammeri, venu donner une conférence à l'université de Tizi Ouzou.
Les forces de l'ordre massées dans la ville des Genêts, principalement autour de l'université, voyaient d'un mauvais oeil ces regroupements. Les foules composées notamment de jeunes étaient prêtes à en découdre, les responsables de la vision unique perdaient pied. La foule grossissait et les choses tournèrent mal. Bref, Tizi Ouzou fut, en un laps de temps très court, transformée en un théâtre des plus sanglants où l'angoisse, la peur et la colère ont barbouillé de noir et de rouge la vie des gens. En fait, deux conceptions de l'Algérie s'affrontaient. L'une uniciste, avec une seule langue, un seul chef et un devenir commun, et l'autre plurielle avec le respect de l'individu et des libertés tant individuelles que collectives et faisant du retour vers le legs des ancêtres une priorité. Chaque partie, se disant avoir raison. D'où ces incompréhensions et ces glissements des actions vers...la violence. Certes, les changements de voie sont souvent difficiles, les affrontements inévitables.
Vingt-huit ans après avril, que devient la revendication culturelle, un des points essentiels de ce qui deviendra plus tard le MCB, le porte-flambeau des attentes populaires? Des avancées importantes sont enregistrées, des forces qui, en 1980, étaient violemment contre, ont fini par comprendre le bien-fondé de cette demande et l'ont introduit comme l'une de leurs exigences, alors que le pouvoir a fait une importante avancée en l'introduisant dans la Constitution comme langue nationale. Aujourd'hui, des milliers d'élèves suivent les cours en tamazight, mais tout cela reste encore comme inachevé, car l'officialisation n'est pas encore au menu. Vingt-huit ans après avril, la revendication est toujours dans la rue, ainsi et pour la seule wilaya de Tizi Ouzou, outre les festivités et les commémorations qui se déroulent depuis pratiquement une semaine, la coordination locale des étudiants de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, le bastion de la revendication, revient en ce 20 avril avec une marche dans les artères de la cité du col des Genêts. Le 20 avril est sans doute la journée pour la revendication berbère, mais aussi le point de départ de la demande de démocratisation de la société. A ce titre, cette journée mérite un statut particulier.


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