Sachant que la stabilité de l'Europe est tributaire de celle des pays méditerranéens, l'Union européenne tente de se rattraper au Sud. La région méditerranéenne occupe une place stratégique dans la politique de l'Union européenne. Après son élargissement aux pays de l'Est, l'UE veut se rattraper dans le Sud. La problématique du développement de ses rapports avec les pays du Sud était au centre de la formation organisée par la Commission européenne, au profit d'un groupe de journalistes algériens, en visite à Bruxelles. Cet intérêt n'est pas nouveau. Les pays européens ont depuis toujours exprimé leur intérêt à la région, en mettant en oeuvre des politiques en direction des pays du Sud sans que pour autant elles soient concrétisées sur le terrain. Or, ce qui apparaît, peut-être, surprenant est le souci exprimé pour la stabilité des pays de la région du Sud méditerranéen. Pourquoi l'Europe se préoccupe-t-elle de ce contexte, et pourquoi maintenant? Les responsables de la Commission européenne, rencontrés sur place, ne dissimulaient pas l'égoïsme du Vieux Continent. «Si l'Europe s'intéresse davantage aux pays du Sud, ce n'est pas par générosité mais tout simplement par intérêt», a précisé un responsable chargé du département des relations entre les deux rives. «Le renforcement de la coopération est garanti par la stabilité de la région», s‘accordent à dire la plupart des responsables rencontrés à Bruxelles. Les enjeux économiques et énergétiques, l'immigration clandestine, les investissements sont autant de paramètres qui conditionnent les relations du Sud méditerranéen avec l'Europe. Ce sont là, expliquent-ils, les facteurs qui incitent l'Europe à s'orienter plus clairement vers le Sud. Malgré l'élargissement vers les pays de l'Est, l'Europe ne peut pas se passer de cette zone stratégique de la Méditerranée. La recherche de nouveaux marchés et la circulation des capitaux ainsi que le développement des investissements nous imposent de tourner, mais à un rythme plus lent (4% au cours de 2000-2006), indiquent les mêmes sources. Dans cette perspective de renforcement des relations Nord-Sud méditerranéen, des entrepreneurs européens sont prêts à investir dans les pays du Sud. Les entreprises européennes veulent ainsi s'impliquer davantage dans le développement de la coopération entre les deux rives de la Méditerranée. Dans cette optique, un consortium d'entreprises européennes va lancer un projet «Invest in Med» de 12 millions d'euros. Cofinancé par la Commission européenne, ce programme vise, en effet, à encourager les investissements européens dans la région méditerranéenne et à contribuer à l'intégration économique durable de la région. S'étalant sur une période de 36 mois, ce projet concerne les 27 Etats membres de l'UE et les 9 pays partenaires du Sud. Il s'agit de l'Algérie, l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Liban, le Maroc, l'Autorité palestinienne, la Syrie et la Tunisie. «Les pays méditerranéens sont sur le même fuseau horaire que l'UE -ce qui rend plus facile les contacts d'affaires-, ont une population jeune et dynamique, et les taux de croissance élevés. Le but de "Invest in Med" est d'aider les sociétés européennes et méditerranéennes à tirer le meilleur parti de ce potentiel», affirme la présidente du réseau d'investissement. Les actions à mener dans le cadre de ce projet comprennent des programmes de formation et de coaching, des réunions d'affaires, des conférences et l'organisation de foires, des échanges de personnel ainsi que des guides et des brochures sur la façon de faire des affaires dans la région. Ce projet concerne les investisseurs, les banques, les entreprises en particulier les PME, l'intermédiaire des institutions, du gouvernement et d'autres organismes publics. Le paradoxe de la circulation des personnes Toutefois, ces projets de «refondation» risquent de rester en stand-by face au problème, sérieux, que constitue la circulation des personnes de plus en plus difficile pour les originaires du Sud. La libre circulation des personnes est une question ardue qui piège l'UE. Les pays de la rive Sud lui reprochent sa politique draconienne en matière d'octroi des visas. Ces restrictions à la circulation des personnes sont en contradiction flagrante avec les textes fondateurs de l'Union européenne. A Bruxelles, on admet ce paradoxe. Ce chapitre, expliquent-ils, n'est pas du ressort de l'UE. «La politique des quotas obéit à la volonté de chaque pays», affirme un responsable européen. Jusqu'a présent, il n'existe pas de politique commune sur la libre circulation des personnes, et ce, malgré l'application du protocole de Schengen. Les responsables rencontrés dans la capitale belge admettent que cette problématique n'a pas été sérieusement prise en charge par les pays européens. L'option de l'immigration sélective ne fait pas l'unanimité dans les milieux européens. pour nombre de raisons dont la moins-disante est encore le besoin de main-d'oeuvre dans les chantiers de construction, laquelle fait défaut. Sur un autre plan, à Bruxelles, le projet cher au président français fait quelque peu jaser. L'initiative du président français reste, en effet, une énigme pour nombre d'observateurs et analystes. La plupart des responsables européens rencontrés à Bruxelles avouent n'avoir rien compris à ce projet d'union pour la Méditerranée. S'agit-il d'une relance du Processus de Barcelone ou d'un nouveau projet tout à fait différent? Une année après son lancement, le projet demeure complètement flou. «Nous n'avons pas encore saisi le principe de cette initiative, pour nous elle est toujours au stade de réflexion», a déclaré un représentant de la Commission européenne. La France, explique-t-il, veut créer une union pour la Méditerranée dans le cadre de l'Union européenne tout en lui apportant son propre cachet. Autrement dit, la France s'occupe de l'architecture du projet et la Commission européenne du financement. Ce qui suscite l'inquiétude des institutions européennes. Celles-ci affirment qu'elles n'ont pas les moyens financiers pour une telle initiative. D'ailleurs, les échos recueillis auprès de nombreux responsables de la Commission européenne font état d'un échec inéluctable. «Le projet est mort-né», «L'union n'ira pas loin», «Le projet est déjà tombé à l'eau», s'accorde-t-on à dire dans les milieux politiques et diplomatiques à Bruxelles. Cette opinion est également partagée par des experts et des journalistes spécialisés en relations internationales. «Si l'on devait reconnaître un mérite à l'idée de Nicolas Sarkozy d'union méditerranéenne, c'est qu'elle est un gros pavé dans la mare», a précisé un expert dans les relations euro-méditerranéennes. Pourquoi? Tout simplement, parce que le projet n'est qu'une relance du Processus de Barcelone qui n'a pas atteint ses objectifs. L'absence d'un débat entre les pays des deux rives de la Méditerranée, l'intégration de plusieurs pays, entre autres Israël, les problèmes non résolus du Moyen-Orient, sont autant d'éléments qui condamnent un projet à tout le moins prématuré. En attendant le sommet euro-méditerranéen qui se tiendra le 13 juillet prochain à Paris, tous les regards sont braqués sur l'Elysée. L'Algérie n'a pas besoin d'aide financière Dans tout ce fatras bruxellois, le «magot» de l'Algérie ne laisse ni insensible, ni indifférent. Bien au contraire. L'aisance financière de l'Algérie surprend plus d'un. Les réserves de change estimées à 110 milliards de dollars ont un écho «frappant» à l'extérieur. «Avec la flambée du prix du pétrole, l'argent coule à flots en Algérie», a déclaré un diplomate européen. De nombreux responsables européens s'accordent à dire que l'Algérie n'a pas besoin d'aide financière, mais plutôt d'assistance en matière de réforme et de gestion. Pour eux, l'Algérie dispose des moyens financiers importants pour mener à terme ses projets et développer son économie. La porte-parole de la commissaire européenne l'a également souligné. Décidément, les aides accordées à l'Algérie ne seront pas plus consistantes. «Il y a des pays qui ont besoin d'aide comme le Maroc et la Tunisie», a affirmé un des responsables à la Commission européenne. L'on constate que l'énergie et les recettes en devises offrent à l'Algérie une position de leadership dans la région. Afin d'assurer sa sécurité en matière d'énergie, l'UE multiplie ses contacts et suit avec attention la réalisation des projets de gazoduc (Medgaz et Galci via l'Espagne et l'Italie). «Le marché algérien est une opportunité à saisir, car il est à la fois fournisseur de gaz et consommateur», a estimé un responsable du département commercial. Cependant, les lenteurs du système bancaire et l'accès au foncier constituent un obstacle récurrent à l'investissement. La plupart des responsables ici à Bruxelles estiment que l'Algérie jouit d'atouts probants qui lui permettent de booster son économie. Concernant la situation sécuritaire, la porte-parole de la commissaire européenne aux Relations extérieures, considère que la situation n'est pas un handicap au développement des investissements.