Saisissant opéra qu'on ne se lasse pas d'écouter, tant ses airs sont époustouflants de lyrisme. Il y avait foule mardi soir dans la grande salle du théâtre Mahieddine-Bachtarzi. Nombreux sont les spectateurs, venus assister à la représentation du Barbier de Séville, un opéra bouffe en deux actes de Giacchino Rossini sur un livret de Cesare Sterbini d'après la pièce homonyme de Beaumarchais. Un spectacle musical étonnant haut en couleurs et en rebondissements dirigé de main de maître par le maestro, le chef de l'orchestre symphonique, national Amine Kouider. Avec l'excellente troupe d'opéra Hymnodie de France sur une mise en scène de Guy Coutance. Créé à Rome, le 20 février 1816 sous le titre Almaviva ou la précaution inutile, le sujet de cet opéra de Rossini est le même que celui de la pièce de Beaumarchais, même si Sterbini a condensé le livret en deux actes (4 initialement). Aussi, Le Barbier de Séville est l'histoire d'un noble, le comte Almaviva (alias Leonard Pezzino), épris de Rozina (interprétée magistralement par Maria Droulon) qui cherche par la ruse et avec l'aide du barbier Figaro (Philippe Rabier) à soustraire la jeune femme à son vieux tuteur, le docteur Bartolo (Marc Souchet). Les différences dans le dessin psychologique des personnages procèdent surtout de la caractérisation musicale. La voix de ténor, en effet, rend Almaviva plus rêveur que dans la pièce et Figaro, baryton dont l'éblouissant air d'entrée «Largo al facto tum» est un morceau célèbre du répertoire, gagne en truculence. Quant à Rozina, sa cavatine, ou si vous préférez sa pièce vocale «Una voce paco fa» nous la présente comme une jeune fille amoureuse, mais fermement décidée à ne pas se laisser faire par son tuteur et à parvenir à ses fins par tous les moyens. La maturité de caractère qui se dégage de son attitude, sa posture et sa sensualité sont soulignées par le choix d'une tessiture étincelante, non de soprano mais de contralto. Pour compléter la distribution et faire entendre une seconde voix féminine, Sterbini a, en outre, créé le personnage secondaire de Berta (Catherine Manandaza, soprano), gouvernante de Bartolo (Marc Souchet, basse). Le plus célèbre des opéras de Rossini vaut en outre par la beauté remarquable de ses airs et la pertinence de ses personnages, celui de Basilio par exemple, expliquant les vertus de la calomnie. Autre exemple, la cavatine du comte «Ecco ridente», un miracle de poésie. Le Barbier de Séville est un opéra où le comique est omniprésent notamment dans les scènes où Almaviva se présente chez Bartolo déguisé en soldat puis en maître de musique. Le Barbier de Séville vaut également par l'efficacité des ensembles ou des étourdissantes finales, avec leurs fameux effets de Crescendo et accelerando et enfin par l'usage d'onomatopées et de chant syllabique d'un effet irrésistible. La pièce, qui marque le triomphe de la jeunesse, est écrite sur un rythme époustouflant, porté par un vrai souffle de liberté, dans les revendications, et dans les tons, le tout par le moyen détourné du comique. Pièce en somme de la joie de vivre. Et dire qu'à sa première version elle avait essuyé un échec cinglant! Les critiques trouvaient cette empreinte du comique trop proche du théâtre de foire. Ben voyons! Avec un décor sobre et une luminosité parfaite, on était loin des artifices en carton. Ce fut vraiment un régal.