L'histoire commence par l'annonce d'une mauvaise nouvelle, une fille dans la haute Kabylie vient de se donner la mort... Le ton tragique de ce mélodrame est d'emblée donné. La dernière cigarette de Ali Berkennou est ainsi tracée. Un couple qui connaît aussi des soucis. La fille éprise du jeune Amar est promise à quelqu'un d'autre. Son soupirant est désarmé face au funeste destin et est obligé d'accepter son sort, lui universitaire sans le sou, sans travail. Un autre jeune, cette fois, est amoureux d'une fille qui décide de partir en France mais a la ferme décision d'épouser ce jeune homme contre vents et marée en désobéissant à ses parents. A côté de cela, au regard de la beauté des paysages de Kabylie, sévit la mansuétude d'une jeunesse lasse d'exister et qui traîne ses savates comme une peau de chagrin, et ne leur reste comme bouée de sauvetage que la cigarette et quelques bouteilles de bière à siroter entre copains. Pas très réjouissant tout cela. Un film où les acteurs principaux affichent une mine renfrognée et où la majorité ne pense qu'à en finir avec sa morne existence, d'une manière ou d'une autre. Cela n'est pas sans rappeler le court métrage de Smaïl Messaoudi Yiwen n'niden (2006) sur la dureté de la vie et les conséquences du chômage qui pousse les jeunes à «brûler»...Un court métrage où l'on retrouve en partie les mêmes têtes ayant joué ici dans ce long métrage. Un film assez lourd donc, qui charrie quelques moments d'angoisse, sans grande portée d'épaisseur ni de profondeur aux personnages. Juste des passages muets évoluant sur un fond de mélodies monotones, certes tristes pour accentuer le décor, mais qui finalement «décrédibilisent» à nos yeux la trame, déjà assez surchargée en lamentations humaines. le film déjà projeté en janvier dernier au Festival du film amazigh avait été fortement ovationné, en emportant l'engouement du public pour ce sujet assez délicat qu'il traite. Le phénomène du suicide est assez répandu en Algérie, a fortiori en Kabylie, comme souligné par le jeune Kokye Morad, alias Amar. Un jeune étudiant en fin d'études qui prépare son Capa de droit et espère s'inscrire à l'Ecole d'art dramatique de Bordj El kiffan et devenir, par la suite cinéaste. Pourquoi pas? Et comme dans une pièce de théâtre à la veine tragico-grecque, mais aussi dans la tradition populaire algérienne qui suppose l'incarnation du goual ou du fou sage du village, La dernière cigarette ne déroge pas à la règle. C'est l'acteur Slimane Grim qui incarne avec brio ce personnage qui crie ces quatre vérités à tout ceux qui veulent bien l'entendre. Hélas, pas beaucoup de monde, car il est noyé dans la masse...Premier long métrage, après un court métrage intitulé Des mots, le réalisateur Ali explique les motivations qui l'ont poussé à faire ce film: «L'artiste doit être interpellé par tous les maux sociaux, qui nous entourent et dans lesquels nos contemporains baignent aussi. Il me semble que les artistes sont plus écoutés que les politiques. Quand un artiste tire la sonnette d'alarme, il me semble qu'on l'entend mieux qu'un de ces discours creux, ou à travers des communiqués dans la presse», confie le réalisateur. Aussi pouvons-nous lire dans la note d'intention: «Chaque jour ou presque, "on" apprend qu'un suicide a lieu quelque part. Un phénomène qui, à en croire l'ampleur devient une mode dans notre société. Beaucoup de gens, jeunes pour la plupart, se sentent abandonnés et livrés à eux-mêmes; ajouter à ceci, le mal-être, le chômage, l'exclusion et le manque de communication au sein même de la cellule familiale. Par l'absence de l'imagination, d'initiatives, et/ou, par frustration, "ils" s'obstinent à croire que mourir est l'ultime issue salvatrice». C'est le cas de Amar, le protagoniste du film, qui croit voir dans toutes les circonstances, si futiles soient-elles, une raison pour lui de raccourcir sa vie. Il l'aurait fait si n'était le sourire de son grand-père, un sourire merveilleux tel un rayon de soleil illuminant une ténébreuse nuit, pour lequel il aurait eu le réflexe de rendre visite. Une visite d'adieu se disait-il peut-être. Ce film se veut un cri d'alarme, un SOS pour interpeller la société; tous ceux et toutes celles qui pourraient apporter leur aide pour endiguer ce phénomène. Aussi, nous comptons faire de ce film, un outil à mettre à la disposition de tous ceux et de toutes celles qui travaillent pour l'éradication de ce fléau. En attendant, ce film est depuis aujourd'hui à l'affiche de la Maison de la culture Mouloud-Mammeri. Ali Berkennou prépare un nouveau projet de film qui sera intitulé Le chant des cigales. Coécrit avec la collaboration d'une amie, Sandrine Charlemagne. Il racontera l'histoire d'amour entre un jeune Algérien et une petite Française, depuis les bancs de l'école, en Algérie jusqu'au désert. Pour info, le film La dernière cigarette a été tourné avec peu de moyens entre Maâtkas et Tizou Ouzou, avec des comédiens, pour la plupart autodidactes. Un choix sciemment établi par le réalisateur qui refusait d'apporter «les tics» des comédiens issus du 4e art.