Cette fermeture des frontières avec le Maroc n'a pas d'incidences économiques sur l'Algérie. Par le biais de la presse officielle et de certains de ses hommes politiques proches des centres décisionnels, le Maroc a plusieurs fois exprimé son voeu de rouvrir ses frontières avec l'Algérie. La dernière demande en date a été formulée lundi dernier, par le chef de la diplomatie marocaine, M.Taïeb Fassi Fihri, en recevant le chargé d'affaires algérien à Rabat. «Le Maroc appelle, de nouveau, à la réouverture de la frontière terrestre entre les deux pays, fermée depuis 1994, et à la reprise de la coopération bilatérale dans ses différents volets.» Il faut dire que le problème de la fermeture des frontières n'est pas algérien, il est d'abord et avant tout marocain. Parce que cette fermeture des frontières avec le Maroc n'a pas d'incidences économiques sur le pays. D'une certaine manière, elle est même positive pour l'Algérie. Qu'on en juge: actuellement, il y a une réelle baisse du trafic d'armes, de la contrebande et de la drogue sur nos frontières ouest. On se rappelle du début des années 90, quand des produits alimentaires achetés à coup de devises et subventionnés, traversaient la frontière pour être ensuite vendus dans les souks d'Oujda. En fait, s'il s'agit uniquement de transférer des milliards de dollars d'Alger vers Rabat, la réouverture des frontières n'est pas une opportunité intéressante pour l'Algérie. Des sources diplomatiques algériennes indiquent que cette demande est prise très au sérieux du côté algérien, pour peu que le Royaume chérifien surmonte le complexe politique et accepte d'assainir une certain nombre de dossiers, indépendamment de la question du Sahara occidental. Pour cette dernière, il est entendu qu'il s'agit d'une question de décolonisation entièrement prise en charge par l'ONU. Pour ainsi dire, il s'agit d'un problème d'écologie politique. Il faut dire aussi que l'opportunité est propice depuis que le climat des relations est détendu après le travail accompli par l'ambassadeur d'Algérie au Maroc, Larbi Belkheir, qui a une bonne audience au Royaume. En revanche, l'ouverture des frontières est une question vitale pour le Palais royal. A l'heure actuelle, toute la partie orientale marocaine vit une profonde crise sociale. Une crise qui risque de s'aggraver avec la hausse des prix des produits alimentaires sur le marché mondial. Les villes frontalières marocaines dépendaient dans une large mesure de leurs relations avec l'Ouest algérien avec qui les échanges économiques, touristiques et surtout commerciaux étaient multiples. L'évolution de ces échanges a engendré une prospérité jamais égalée dans cette partie du territoire marocain. C'est que la réouverture des frontières, évoquée avec insistance par les Marocains, est devenue un credo. Observée sous un certain angle, cette demande -non officielle-, découle du pragmatisme économique bien connu chez nos voisins marocains. Leur présence «agressive» dans les marchés européens et même américains est indéniable. C'est donc de bonne guerre qu'ils lorgnent les pétrodollars algériens. Près d'un million de touristes avaient visité le Maroc dans les années 90. Connaissant les relations particulièrement fraternelles entre les deux peuples, ce nombre de touristes aurait triplé, voire même quadruplé si les frontières étaient ouvertes. Selon des statistiques non officielles, le manque à gagner pour le Maroc se chiffre à environ 5 milliards de dollars. Un montant dont le Royaume a tant besoin en ces moments de crise sociale. Cependant, reste toujours le fait que le Maroc, qui a accusé à tort les services spéciaux algériens dans l'attentat contre l'hôtel Asni, à Marrakech, ne s'est toujours pas excusé, comme le revendique l'Algérie. Car, par la suite, il s'est avéré que les services algériens n'avaient rien à voir dans cet attentat. C'est le Maroc qui a voulu punir l'Algérie en décidant unilatéralement de fermer ses frontières. Certes, il est revenu par la suite sur sa décision mais il reste que le Maroc ne fait toujours pas l'effort d'admettre avoir commis une erreur. Et puis, l'Algérie trouvera-t-elle son compte en ouvrant ses frontières avec le Maroc? D'autant plus que l'Union du Maghreb est gelée par Rabat. En novembre 1994, le Premier ministre marocain, M.Fillali, a adressé à Zine El Abidine Ben Ali, alors président en exercice de l'UMA, une lettre dans laquelle il demandait le gel des activités de l'UMA. Curieusement, cette demande intervient juste quelques mois après l'attentat de Marrakech.