Le plus souvent c'est l'économique qui détermine le politique. Depuis 1994, les relations algéro-marocaines sont en froid à la suite de la fermeture brusque des frontières décidée par le Palais royal. Ce qui avait engendré une détérioration des relations entre les deux pays. Les attentats de Marrakech ont été décodés, pour rappel, par les services spéciaux du royaume Chérifien comme une tentative de déstabilisation orchestrée par les renseignements algériens. Immédiatement, cela a été suivi par l'instauration du visa d'entrée pour les ressortissants algériens. La riposte fut instantanée. Alger décida de fermer catégoriquement les frontières ouest. Une décision douloureuse pour l'économie marocaine qui perdit du coup un pactole très important. En effet, les villes frontalières du Maroc ne devaient leur prospérité qu'aux deux millions d'Algériens qui allaient annuellement débourser, dans les produits de consommation en abondance à Oujda, Fès, Meknès, Marrakech et Melilia, l'équivalent des recettes du tourisme. En moins de trois ans, les villes frontalières dépérirent et les commerçants marocains ainsi que les autorités commencèrent à regretter la «manne algérienne». Au plan officiel, à peine 140 millions de dollars ont été échangés entre l'Algérie et le Maroc en 2004 après avoir été de l'ordre de 188 millions de dollars en 2003. Ainsi, les importations marocaines d'Algérie ont atteint une valeur globale de 1,069 milliard de dirhams, alors que les exportations étaient de 314,09 millions de dirhams. En revanche, les exportations marocaines vers l'Algérie, représentaient une valeur globale de 232,12 millions de dirhams en 2003 et 314,09 millions de dirhams à la fin octobre 2004. Un volume d'échanges somme toute dérisoire qui renseigne sur la faiblesse de la coopération entre les deux pays voisins aux économies pourtant complémentaires. Normal quand on connaît les relations tumultueuses qu'entretiennent les deux pays. Ayant compris le déséquilibre financier engendré par cette décision, Rabat a pris les devants en décidant la suppression pure et simple des visas d'entrée pour les Algériens. Toutefois, toutes ces tentatives de renouer les relations de bon voisinage restent tributaires de nombreux dossiers de contentieux. L'Algérie a conditionné le réchauffement des relations, dans une mise au point, par l'assainissement des contentieux entre les deux pays notamment ceux relatifs au terrorisme, au financement des groupes armés, au foncier frontalier et aux problèmes d'individus non encore réglés. Aujourd'hui, avec la naissance d'entités régionales, les enjeux sont devenus plus clairs. Anticipant les enjeux de la mondialisation, les milieux d'affaires des deux pays semblent plus enclins à voir toute la portée que revêt désormais la nécessité d'un partenariat réel multisectoriel en vue de booster la coopération économique et commerciale qui, en dépit des potentialités que recèlent les deux pays, demeure dérisoire. Ces hommes d'affaires l'ont compris, à l'instar des autorités politiques des deux pays membres de l'Union maghrébine arabe, à leur tête Abdelaziz Bouteflika et Sa Majesté le roi Mohammed VI, et ont fait leur l'adage qui stipule que «parfois l'économique détermine le politique». En effet, la politique se retire toujours devant l'économique. Ce qui fait qu'en fin de compte le monde est déterminé en dernière instance par l'économie. Et le Maghreb ne peut échapper à ce monde-là. Le président de la Chambre algérienne du commerce et d'industrie, M.Ali Habour, n'a-t-il pas souligné que «le Maghreb se fera surtout par l'économie. Nous ne sommes pas innovateurs en la matière, l'Europe s'est faite par l'économique». Par ce rapprochement commercial, les autorités politiques ont cautionné chacun de son côté un tel rapprochement. C'est dans cet ordre d'idées que la relance de la coopération économique entre l'Algérie et le Maroc a fait l'objet d'une réunion de travail bilatérale tenue par des hommes d'affaires des deux pays. Initiée à l'occasion de l'inauguration de la ligne aérienne reliant Casablanca et Oran, cette rencontre s'inscrit dans le cadre des efforts bilatéraux visant à tirer vers le haut le niveau du partenariat entre les deux pays voisins. En effet, rien ne saurait se faire sans avoir reçu au préalable l'aval des autorités politiques respectives. Déjà dans son message de félicitations à l'occasion du 49e anniversaire de l'indépendance du Maroc, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, avait exprimé le voeu que cette date symbolique soit le prélude d'une nouvelle cohésion «de nos deux peuples», telle que souhaitée par Sa Majesté le roi Mohammed VI dans son message adressé au président Bouteflika, le 1er novembre, fête nationale, dans laquelle il affirmait que les deux pays devaient «construire un avenir commun» pour la stabilité du Maghreb. Ainsi, voici venu le temps de la compréhension et de l'entente entre opérateurs économiques. Plus qu'un simple rapprochement, ce rendez-vous économique a pour valeur, comme le soulève la presse marocaine, de renouer les contacts avec la communauté d'affaires marocaine pour générer des intérêts partagés, dans un premier temps, et pourquoi pas politiques dans un second temps. Les observateurs avisés n'hésitent pas à avancer que le dégel politique entre les deux pays est pour bientôt et même plus tôt que prévu.