Une crise qui est qualifiée de tsunami silencieux et dont risquent d'être victimes plus de cent millions de personnes. Le développement agricole est la seule voie de salut qui est capable de contredire tous les pronostics pessimistes, affirment les spécialistes des questions alimentaires et agricoles. Ainsi, selon Hamid Aït Amara, enseignant d'économie agricole à l'université d'Alger, interpellé par un confrère, estime que la crise actuelle est d'abord imputable à l'échec des politiques agricoles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Tout en plaidant à un renouveau des politiques agricoles nationales de type Pndra (Plan national de développement rural et agricole), cet expert estime que l'Algérie doit cesser de se faire dicter sa politique de l'extérieur et doit résolument injecter de l'argent dans son agriculture. Le mot d'ordre de cet universitaire algérien est: «Motivons les agriculteurs en leur accordant davantage de marges de profit, développons les techniques agricoles, encadrons l'agriculture et faisons de la recherche.» Selon ce dernier, un discours néolibéral prônant la mainmise de l'OMC et ses politiques restrictives a détruit tout le système productif algérien. Une logique, qui sert avant tout les pays excédentaires et qui aura également rendu notre pays dépendant à 100% des hydrocarbures. Et d'ajouter que cette politique de l'OMC, mise en place dès 1995, a progressivement désorganisé, dérégulé et déstructuré les politiques agricoles nationales, et représente, de ce fait, la cause fondamentale de la crise actuelle. Selon ce même intervenant, l'Etat algérien doit multiplier au moins, par deux, l'effort d'investissement dans le domaine agricole, d'autant que l'Algérie ne produit que 30% de denrées agricoles alors que 70% sont importés. Il enfonce enfin le clou en jugeant que l'Algérie produit encore à la manière des Romains, jadis, c'est-à-dire suivant le système bi-jachère et qu'elle n'a encore pas entamé la révolution agricole du XXe siècle. Si M.Hamid Aït Amara plaide en faveur d'une politique agricole algérienne protectionniste, il n'en est pas de même pour Mme Josette Sheeran, directrice exécutive du Programme alimentaire mondial de l'ONU qui exhorte certains pays à lever les interdictions d'exportations de vivres. Et ce, afin de faciliter la distribution de l'aide alimentaire dont l'efficacité est plus que jamais affectée par la crise alimentaire mondiale. Une crise qui est qualifiée de tsunami silencieux et dont risquent d'être victimes plus de cent millions de personnes, puisque les interdictions d'exportation ont forcé le PAM à s'éloigner de plus en plus des zones où les populations sont le plus vulnérables, notamment à cause de la rallonge des délais de distribution et de la complication des problèmes de logistique. D'après les propos de la directrice du PAM, le phénomène du biocarburant pénalise aussi l'acheminement de l'aide alimentaire aux nécessiteux. En effet, les producteurs vivriers, habituels, n'hésitent pas à rompre leurs contrats avec le PAM quitte à payer des amendes, pour vendre leurs récoltes, à des prix plus élevés, aux producteurs de biocarburants. Notons ici que nombre de spécialistes écartent l'hypothèse de la responsabilité des biocarburants dans la crise alimentaire actuelle. Néanmoins, Mme Sheeran appelle, pour sa part, à un soubresaut international face à la crise alimentaire, la faim et la malnutrition qui tendent à s'accroître entraînant inévitablement un déclin général de la santé des pauvres et la diminution du taux de scolarisation des enfants. Cette responsable onusienne qui encourage le développement des politiques agricoles locales, en incluant, notamment la formation des agriculteurs à l'utilisation de méthodes plus efficaces et la reconstruction des infrastructures, est appuyée par le président américain Bush qui vient de demander au Congrès d'autoriser les Etats-Unis à acheter jusqu'à 25% de l'aide alimentaire destinée à l'étranger à des agriculteurs des pays en développement; une proposition qui fait partie de la loi agricole que le Congrès est en train d'étudier. L'on rappelle ici, que les Etats-Unis fournissent, à eux seuls, près de la moitié de toute l'aide alimentaire distribuée dans le monde.