La crise des denrées alimentaires pénalise tous les pays, même ceux qui sont considérés comme développés. Ce «tsunami» alimentaire, comme le qualifie un certain nombre d'experts, risque d'aggraver la situation sociale des pays les plus pauvres de la planète, que ce soit en Afrique, en Asie ou en Amérique latine. En Afrique, un continent dans lequel le taux de la pauvreté est le plus fort dans le monde, la rareté, mais aussi la cherté des produits de première nécessité risquent d'affamer des millions de personnes. D'après Donald Kaberuka, président du Groupe de la BAD (Banque africaine du développement), ce sont près de 150 millions de personnes vivant dans les Etats fragiles qui sont exposées à la famine. Les facteurs ayant contribué d'une manière directe à l'évolution d'une telle crise sont, de l'avis de certains spécialistes en la matière, divers. On dénote, en effet, les accidents climatiques (sécheresse en Australie, typhon au Bangladesh, hiver plus froid en Chine et au Vietnam) engendrant de mauvaises récoltes, mais également le pouvoir d'achat des populations des pays émergents (Brésil, Chine, Inde) qui a augmenté ces dernières décennies, et, par ricochet, leur consommation alimentaire s'est revue à la hausse. En plus des causes susmentionnées, le continent noir fait face, actuellement, à la flambée des produits alimentaires depuis qu'il a délaissé le secteur de l'agriculture pour l'importation des produits agricoles. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), par le biais de son directeur général, Jacques Diouf, a appelé les pays du continent africain à investir et promouvoir ce secteur. Le premier responsable de la FAO a, lors de la 25e conférence régionale de la FAO pour l'Afrique, tenue à Nairobi (Kenya), fait remarquer que, pour l'exercice 2005, la quasi-totalité de l'alimentation africaine provenait de l'importation. En chiffres, pas moins de 87% des produits de première nécessité ont été importés. Un taux qui fait penser que l'Afrique dépend carrément des autres pays pour s'alimenter. Pourquoi une telle dépendance ? La réponse à cette problématique est à chercher chez de certains dirigeants africains, lesquels, au lieu de favoriser la production interne, se sont contentés d'appliquer quelques mesures d'urgence, entre autres, l'importation. La dépendance du continent le plus pauvre du monde en alimentation des autres pays reste directement liée, justifie la même source, à la politique prônée par certains dirigeants africains. Cette option (la dépendance des autres), dans la majorité des cas, engendre une certaine insécurité, en ce sens que les pays importateurs subissent, bon an mal an, les fluctuations enregistrées dans les pays producteurs. «L'insécurité alimentaire est une question de nature politique», a commenté Jacques Diouf. Pour l'agence onusienne, le continent se distingue aussi par la pénurie d'eau, la non-fertilité de la terre, ainsi que l'insuffisance des engrais et des graines. Des facteurs qui ont aggravé la situation de la production africaine. Concernant les engrais, l'Union arabe des engrais a appelé, le week-end dernier, au renforcement des structures arabes de production, en vue de répondre aux besoins arabes grandissants. Cet appel, destiné à la communauté arabe, concerne également les pays arabes de l'Afrique (les pays du Maghreb), lesquels n'échappent pas, même relativement, aux conséquences désastreuses de cette pénurie. Preuve en est, les récents soulèvements populaires enregistrés en Egypte, causés par la pénurie de pain. Développement agricole : les promesses non tenues des dirigeants africains Alors que des solutions ont été envisagées par la communauté internationale afin de faire face à cette crise, les dirigeants africains avaient promis en 2003 de réserver au moins 10% de leurs budgets au développement agricole et rural. En fin de compte, un seul pays sur cinq a atteint ou dépassé ce taux, révèle un rapport de l'Union africaine (UA). En revanche, la BAFD a décidé de mobiliser un milliard de dollars supplémentaire pour aider le secteur agricole, estimé à présent à 3,8 milliards de dollars. De ce fait, cette institution financière africaine compte dégager, sous forme de décaissement rapide, pour l'achat des intrants et des engrais, une enveloppe de l'ordre de 250 millions de dollars. Concernant cette matière, la BAfD, pour rappel, a été mandatée lors du Sommet de la «Révolution verte africaine» de 2006 pour abriter le fonds fiduciaire du Mécanisme africain pour les engrais. En décodé, il s'agit d'un plan qui prévoit d'augmenter l'utilisation des engrais d'une moyenne actuelle de 8 kg par hectare à une moyenne d'au moins 50 kg en 2015. Objectif de la FAO : réduire le nombre de victimes Au cours du dernier sommet de la FAO sur la crise alimentaire, qui s'est tenu à Rome début du mois en cours, il a été constaté qu'environ 850 millions de personnes souffrent de malnutrition dans le monde. «La crise actuelle menace 100 millions de personnes supplémentaires», estiment les experts de la FAO. Face à cet état de fait, le président kényan, Mwai Kibaki, a appelé, lors de la 25e Conférence régionale de l'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture, les responsables africains à prendre des «mesures urgentes et fortes» afin, ajoute-t-il, de «freiner l'envolée des prix des produits alimentaires qui affecte notamment l'Afrique». Des recommandations concrètes, pour résoudre de façon permanente cette crise qui affecte considérablement les conditions de vie des membres de la société, ont été suggérées aux délégués présents à ce rendez-vous. Les Etats membres de la FAO ont annoncé leur engagement à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim «d'ici au plus tard 2015». Il est utile d'indiquer que même les pays du G8 (les pays les plus industrialisés dans le monde) ont fait savoir que la crise alimentaire demeure au cœur des préoccupations de cette organisation, et sera également au centre du débat lors du prochain sommet qui se tiendra au mois de juillet prochain au Japon. «La crise et la sécurité alimentaires resteront au centre de la présidence italienne du G8 en 2009», a déclaré le ministère italien des Affaires étrangères dans un communiqué diffusé vendredi dernier ; et d'ajouter que l'Italie portait l'aide humanitaire en 2008 à 130 millions d'euros, contre 60 millions précédemment prévus. S. B.