Le projet d'Union pour la Méditerranée n'est pas une nouveauté. Il n'est pas un simple contrat commercial. C'est un pari sur l'avenir pour la paix et la liberté. Est-ce possible? Oui, à condition que... Le projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM) peut-il servir à terme la paix dans la région? Autrement dit, la mise en place d'un cadre de coopération plus intense, plus intégrée, plus équilibrée et juste entre l'Union européenne (UE) et les 12 pays de la rive Sud méditerranéenne. Conduira-t-il à la paix au Maghreb et au Moyen-Orient? Car c'est de cela qu'il s'agit en dernière instance: une zone de paix et de prospérité durable. Ainsi, le projet de l'UPM est d'abord un projet éminemment politique. Car, les chefs d'Etat et de gouvernement des deux rives ne sont pas si naïfs que ne le laissent croire les apparences. Ils savent très bien qu'aucun accord ou projet, qu'il soit commercial ou économique, n'est pérenne dans une atmosphère de conflits et d'instabilité politique. D'où toute la complexité de la construction de cette UPM. Dans ce sens, tout en continuant le débat sur la mise en route de cette nouvelle structure régionale, la première urgence pour les dirigeants politiques est de rassembler toutes les énergies diplomatiques pour relancer le processus de paix au Moyen-Orient avec, en bout de compte, la création de l'Etat palestinien indépendant, d'une part, et d'autre part, encourager les négociations sur le dossier Sahara occidental. Parce que les faits sont têtus, il ne sert à rien de rêver à l'harmonie et à la paix durable tant que les questions palestinienne et sahraouie n'ont pas trouvé de solutions qui satisfassent les protagonistes directs de ces conflits. Là, il faut bien l'avouer, l'UE n'est pas sans reproches. Sa responsabilité pour des raisons historiques est entière dans la persistance et l'aggravation de la situation désastreuse de la Palestine et dans l'impasse dans laquelle se trouve la question sahraouie. Si l'UE est le premier pourvoyeur d'aide financière à la Palestine, elle n'a jamais mis le poids politique qu'il faut pour amener Israël, non seulement à geler les colonies, principal obstacle à toute négociation, et aussi à exiger l'arrêt de la répression aveugle que l'Etat hébreu fait subir aux populations civiles palestiniennes. Sur le problème sahraoui son attitude - précisément pour ses membres riverains de la Méditerranée et principaux promoteurs de l'UPM, c'est-à-dire la France et l'Espagne - est plus que discutable. Elle est partiale, injuste, voire humiliante. Le président français Nicolas Sarkozy, comme le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero font fi du travail des Nations unies et des résolutions de leur Conseil de sécurité. En se rangeant ouvertement et publiquement sur la seule thèse marocaine d'une autonomie du Sahara occidental dans le «cadre de la souveraineté» du Royaume marocain, ils torpillent les négociations en cours entre le Maroc et le Front Polisario et n'aident pas à la paix. Plus, si l'UE peut pointer du doigt l'appui inconditionnel des USA à Israël pour expliquer ses échecs, elle ne peut bénéficier de circonstances «géopolitiques atténuantes» dans le cas du Maghreb. L'UE a, pour des raisons encore une fois historiques et de géographie, plus de liberté et de marge de manoeuvre dans le Maghreb. L'UE peut être un véritable médiateur pour la paix au Maghreb en s'impliquant honnêtement dans le conflit du Sahara occidental. Les quelques esquisses du projet commun méditerranéen se résument à des futures interventions sur l'environnement; à des coopérations sur l'énergie, la sécurité et les migrations lesquelles, d'ailleurs, ne sont pas rien. Mais elles ne suffisent pas à bâtir les fondements d'une véritable zone d'échange et de vie en commun, tant que subsistent ces deux contentieux que sont les dossiers palestinien et sahraoui. Il manque dans cette initiative pour la Méditerranée, ce souffle politique, cet engagement dans les domaines des libertés, des droits des êtres humains et de la réhabilitation de l'histoire millénaire, si féconde et si tourmentée de la «mare nostrum». N'est-il pas consternant de voir certains chefs d'Etat de la rive Sud méditerranéenne rivaliser de courbettes pour «draguer» un Sarkozy aux fins de bénéficier de quelques sièges sociaux ou de gestion du futur cadre institutionnel de l'UPM? Qui plus est, ne proposant rien d'autre que de consommer le projet tel que le président français le propose, oubliant au passage que toutes les décisions qui se prennent à ce niveau obéissent à la règle de la majorité, voire pour certains domaines à la majorité qualifiée du Conseil européen, comme le rappellent opportunément les réserves de la chancelière allemande Angela Merkel, sur la mouture initiale du projet de «l'Union méditerranéenne». C'est dire que l'UPM, si UPM il y aura, n'est plus de la seule volonté de la France de Sarkozy. «Elle sera européenne et arabe ou ne le sera pas.» Pour toutes ces raisons, le projet de l'UPM est un pari sur l'avenir. C'est le moment et l'occasion pour les pays du Sud de montrer la hauteur de leur vision pour la région et aux diplomates du Sud de faire leur travail.